Si vous souhaitez en apprendre plus sur le français québécois, j’ai lancé une nouvelle newsletter intitulée Québec-French in 5 Minutes. Chaque dimanche, vous recevrez trois éléments pertinents pour votre apprentissage du français québécois, un dialogue ou texte avec du vocabulaire, et des conseils d’apprentissage de langue.
10 clichés québécois déconstruits
Aujourd’hui, nous allons parler des clichés québécois, ces idées reçues que l’on associe au Québec. Je vais expliquer pourquoi ces stéréotypes ne sont pas tout à fait exacts. En 2025, dans le monde moderne, ils ne sont peut-être pas aussi valides qu’avant, bien qu’ils aient évidemment un fond de vérité.
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“C’est difficile de se faire des amis québécois”
J’ai souvent entendu cette remarque. Les Québécois seraient un peu fermés. Ils vous invitent à souper mais ne vous réinvitent peut-être pas. Il faut du temps pour se faire des amis.
Est-ce que c’est vrai?
C’est peut-être vrai, mais il y a une nuance très importante à apporter.
J’ai entendu la même chose dans plusieurs pays, ce n’est donc pas quelque chose de limité au Québec!
J’ai vécu exactement le même phénomène quand j’ai habité en Colombie-Britannique pendant environ deux ans
Les immigrants qui étaient là-bas trouvaient difficile de se faire des amis qui venaient de la Colombie-Britannique, qui y étaient nés, parce que ce sont des cercles plus fermés. Ce sont des gens qui se connaissent depuis l’enfance et qui ont grandi ensemble.
Mais la vérité, c’est qu’il y a plusieurs facteurs en jeu
C’est difficile de se faire des amis quand on est plus vieux.
Se faire des amis quand on arrive dans un nouveau pays prend du temps.
C’est difficile de se faire des amis, point.
J’ai entendu la même chose dans pratiquement tous les pays d’Europe. J’ai beaucoup voyagé et j’ai rencontré plein de gens qui ont vécu dans plusieurs pays, en Angleterre, en France, en Espagne. Tout le monde disait la même chose. “C’est difficile de se faire des amis italiens… c’est difficile de se faire des amis allemands.”
Il y a toutefois des petites tendances. On dit qu’il est plus difficile de se faire des amis en Europe du Nord qu’en Europe du Sud, par exemple au Danemark ou en Allemagne. C’est peut-être un peu plus facile de forger des amitiés en Espagne, dans les pays plus ensoleillés où la culture est plus conviviale.
Mais je pense que c’est difficile partout dans le monde, quand on arrive à un certain âge, disons passé l’adolescence. Peut-être qu’à l’université, c’est plus facile, mais passé 20 ou 25 ans, dans la culture du travail, c’est plus difficile. Les gens sont en couple, ils commencent à avoir des enfants, ils sont occupés, ils ont déjà leurs amis, et ils travaillent beaucoup.
Je pense donc que ce n’est pas nécessairement plus difficile de se faire des amis québécois qu’ailleurs.
Il y a peut-être une petite exception. Aux États-Unis, ça semble plus facile de se faire des amis, du moins selon mon expérience et celle d’autres personnes. Mais la culture américaine favorise une amitié un peu plus superficielle. Ce qu’on entend souvent, c’est que oui, c’est peut-être plus facile de se faire un ami américain, mais une fois qu’on a un ami français, allemand ou québécois, ça devient vraiment un ami fidèle à vie. Les amitiés sont plus durables, moins superficielles, mais elles prennent plus de temps à se forger.
La cabane à sucre
Au printemps, durant le temps des sucres, on fait l’acériculture (l’agriculture du sirop d’érable). On peut se rendre dans les érablières, ces endroits où on cultive le sirop d’érable et où on recueille l’eau d’érable pour la transformer en sirop.
C’est une tradition québécoise de se rendre dans une cabane à sucre pour faire un gros party! Ce party se passe durant la journée, généralement un jour de fin de semaine vers une heure de l’après-midi.
On y servira un repas traditionnel où on couvre nos aliments de sirop d’érable, par exemple des oreilles de Christ, un genre de gras de porc frit qui ressemble au chicharrón d’Amérique latine. On servira aussi des fèves, du jambon, etc. C’est de la nourriture bien grasse, bien pesante!
Ensuite, on se promène dans l’érablière et on déguste la tire sur la glace, où on verse cette mélasse de sirop d’érable qui se fige sur la glace ou sur la neige. On le mange sur un petit bâtonnet.
Tout ça, c’est une vraie tradition québécoise.
Est-ce que c’est un cliché? Un peu, dans un sens, parce que je pense que les Québécois vont de moins en moins à la cabane à sucre. Ce que je vois chez les gens autour de moi, c’est que c’est une activité qu’on fait plutôt jeune. Ça semble maintenant plus populaire chez les nouveaux arrivants et les touristes.
C’est devenu quelque chose de plus touristique que de vraiment ancré dans la vie quotidienne des Québécois.
J’ai des souvenirs de cabane à sucre, mais ça fait au moins 10 ans que je n’y suis pas allé. Je dois dire que je n’aime pas tellement la cabane à sucre commerciale moderne. Je trouve que c’est l’endroit idéal pour tomber malade avec tous les virus qui circulent! Je trouve aussi qu’elles sont devenues très commerciales, donc pas très conviviales.
J’irais seulement à une petite cabane à sucre familiale, comme c’était à l’époque, et pas dans une grosse méga cabane à sucre de type cafétéria.
Le sirop d’érable
Ce n’est pas tout à fait un cliché, mais on a l’idée que le sirop d’érable est utilisé partout. Les gens en mettraient dans le café pour remplacer le sucre. Ce n’est pas vraiment le cas!
Si vous ouvrez le frigidaire ou les armoires de cuisine de n’importe quel foyer québécois, vous allez trouver du sirop d’érable, c’est certain! Mais les gens en consomment avec modération. C’est plus souvent mélangé à des aliments sucrés. Par exemple, on peut en mettre un peu sur du yogourt avec des fruits.
Mais on n’en met pas littéralement partout. Ce n’est pas un ingrédient vraiment essentiel dans la cuisine. C’est plus un petit extra qu’on aime bien et qui ne coûte pas cher au Québec.
J’ai un ami qui a essayé d’importer du sirop d’érable pour le vendre en Suède. Avec les frais d’importation, ça se vendait trois fois le prix. C’était vraiment un luxe. Ici, ce qu’on appelle une canne de sirop d’érable (une boîte en métal) coûte environ 8 à 9 $. C’est un bon prix en 2025. Vous pouvez payer plus cher pour une bouteille en verre plus jolie, mais vous pouvez l’acheter simplement dans un supermarché. En bas de 10 $, c’est un bon prix, et une boîte comme ça dure assez longtemps!
C’est un petit extra apprécié, mais pas essentiel à la cuisine.
Le 5 à 7
Le 5 à 7 est une rencontre après le travail, entre amis ou plutôt entre collègues, entre 5 heures et 7 heures, mais souvent, ça s’étire plus longtemps.
Il y a un mot anglais qui fait penser à ça: happy hours. Mais pour moi, les happy hours sont plutôt un spécial sur l’alcool dans un bar quand on arrive avant l’achalandage de la soirée. Avant que tout le monde arrive et que le bar soit rempli, ils offrent un rabais. C’est populaire pour cette raison. Tandis que le 5 à 7 est vraiment une rencontre entre collègues après le travail.
Je pense que c’est malheureusement devenu moins populaire. Mais ce n’est pas une question québécoise. Partout en Occident, depuis la pandémie, avec le télétravail, les gens se rencontrent moins en personne. Vos collègues sont peut-être ailleurs, dans d’autres villes. Il est donc plus difficile d’organiser ce genre de rencontre. Il y en a de moins en moins.
Il y avait même un article paru récemment dans Urbania qui posait la question de savoir si les 5 à 7 sont en voie de disparition. On associe beaucoup ça à la culture du travail au Québec, mais c’est peut-être en train de changer. C’est un phénomène global qui découle de plusieurs événements, dont la pandémie.
Québec est la ville la plus européenne en Amérique du Nord
On entend souvent cette affirmation à propos de Québec. Je parle ici de Quebec City en anglais.
En français, on dit seulement « Québec ». Si on parle de la province, on dit « le Québec ». Quand j’enlève l’article, je parle de la ville.
Québec serait donc la ville la plus européenne en Amérique du Nord. Mais ça me fait toujours sourire, parce que je pense que ce n’est pas tout à fait vrai.
Quand on pense à Québec comme une ville super européenne, on pense au Vieux-Québec, la partie ancienne qui a été préservée avec les vieux monuments et les rues pavées (en anglais, on dit cobblestone streets). Les rues pavées ont un certain charme européen, c’est vrai. Mais c’est devenu tellement touristique et le Vieux-Québec ne représente qu’une partie de la ville.
La plupart des habitants de Québec n’habitent pas dans le Vieux-Québec
Comme dans d’autres villes très touristiques comme Barcelone, c’est devenu très compliqué d’habiter dans le Vieux-Québec si on est résident, parce qu’il y a de moins en moins de services. L’offre touristique ne cesse d’augmenter au détriment des résidents.
Pourquoi Québec n’est pas nécessairement la ville la plus européenne en Amérique du Nord?
Si on regarde Québec dans son ensemble et qu’on ne se limite pas au Vieux-Québec, on voit que c’est un mode de vie très nord-américain.
Il n’y a pas beaucoup d’offres de transports en commun, il n’y a pas de métro, on a besoin d’une voiture pour se déplacer. Les autobus ne sont pas très efficaces. C’est un mode de vie plus nord-américain.
Si on cherche la ville la plus européenne en Amérique du Nord, je pense que Montréal se rapproche plus de ce modèle
Pas nécessairement dans l’architecture, je l’accorde. Le Vieux-Québec se rapproche davantage de l’architecture européenne. Mais dans le mode de vie.
Dans les quartiers de Montréal, on peut se déplacer à pied. Par exemple, je vais acheter mes fruits chez un marchand de fruits, mon pain dans une boulangerie. C’est vraiment un mode de vie qu’on associe à l’Europe et qui est basé sur des petites communautés, des quartiers qui ont leur personnalité. On peut faire beaucoup de choses à pied avec une offre de transport très développée.
Pour moi, c’est un mode de vie plus européen, et je pense qu’on va plus le trouver à Montréal qu’à Québec.
La poutine
La poutine est le plat national du Québec! Dans un sens, c’est le plat le plus emblématique du Québec. C’est absolument vrai.
Mais pour moi, un plat national, c’est ce qu’on mange dans les foyers, dans les maisons, dans les familles. Un plat national, ce serait un plat dont tout le monde aurait une recette. Pour la poutine, c’est vraiment quelque chose qu’on mange seulement au restaurant. On ne fait pas notre poutine à la maison. On ne fait pas des versions santé de la poutine pour nourrir sa famille. C’est vraiment de la malbouffe, du junk food qu’on consomme de la même façon qu’on mangerait un hot dog. Mais c’est encore plus difficile à faire à la maison qu’un hot dog parce qu’il faut faire des frites, donc on a besoin d’huile. On pourrait essayer d’en faire une version santé, mais ce ne serait pas vraiment de la vraie poutine.
La poutine est évidemment associée au Québec, mais le vrai plat national du Québec, c’est le pâté chinois
Pourquoi? Parce que toute famille québécoise a sa recette de pâté chinois. On se nourrit de pâté chinois. Tous mes amis, de temps en temps, vont me dire qu’ils ont fait du pâté chinois. Ma mère, mon frère, tout le monde. Tout le monde fait du pâté chinois!
Dans la littérature québécoise, ça revient dans les chansons. Le pâté chinois, c’est le comfort food, la nourriture réconfortante québécoise qu’on associe à la famille. C’est une recette simple que n’importe qui peut faire à la maison avec quatre ou cinq ingrédients. Principalement, on a du maïs (deux sortes), des pommes de terre et de la viande, mais on peut aussi remplacer la viande par quelque chose de végétarien. C’est très flexible comme recette.
C’est ça, le plat national du Québec. Ce n’est pas la poutine!
Les Québécois qui sacrent constamment
Tabarnak d’ostie de câlisse de Saint-Ciboire de sacrement du Christ de câlisse de marde!
Oui, les sacres font partie intégrante de la culture populaire québécoise. Je dois dire que quand j’écris mes dialogues en français québécois pour mon deuxième site, learnquebecfrench.com, j’utilise des sacres parce que les Québécois en utilisent. Mais il faut savoir quand les utiliser et il faut les réserver uniquement au contexte informel. Il faut donc éviter de les utiliser dans toutes les situations.
J’ai des élèves qui adorent apprendre les sacres. Ils commencent à les utiliser un peu partout à l’écrit et je dois les arrêter, je dois tempérer leurs ardeurs!
Tempérer les ardeurs signifie empêcher quelqu’un d’aller trop loin dans son enthousiasme.
Je leur dis qu’il est bien qu’ils sachent utiliser les sacres, mais qu’ils ne peuvent pas les utiliser partout. Ce n’est pas correct de les utiliser dans toutes les situations. Ça ne convient pas à toutes les situations.
Faites attention aux sacres!
Le problème avec les sacres, c’est qu’il faut qu’ils correspondent avec le reste de l’accent et des expressions. Si on utilise des sacres, mais que tout le reste de la phrase, tout notre discours n’est pas vraiment québécois ( comme l’intonation ou les expressions), le sacre va détonner, c’est-à-dire va ressortir de notre phrase trop fortement.
L’hiver rigoureux, interminable
Ensuite, on a l’hiver rigoureux, interminable, l’hiver qu’on associe au Québec. « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver », disait Gilles Vigneault.
L’hiver est certainement associé à l’identité québécoise, mais de moins en moins.
Il y a un livre que j’aime bien, d’Alain Dubuc, anciennement chroniqueur à La Presse, qui s’appelle Maudit hiver, dans lequel il élaborait la thèse que la culture moderne québécoise est plus une culture estivale, une culture de l’été.
On vit pour l’été.
Comme certaines personnes vivent pour la fin de semaine, nous, on vit pour l’été. On a adapté notre mode de vie en fonction de l’été, et non en fonction de l’hiver.
On endure l’hiver, mais ce n’est pas comme si l’hiver faisait vraiment partie de notre vie
On fait tout pour l’éviter. Les gens partent en voyage l’hiver, ils vont dans le sud. On enlève la neige. Oui, il y a des gens qui font du ski, des activités d’hiver, mais c’est une minorité.
Avec le chauffage, les transports en commun, les activités intérieures et les voyages, on a une culture de plus en plus estivale. La plupart des festivals se passent l’été. L’été est presque devenu une période d’hibernation pour les Québécois. On ralentit, et on reprend la plupart des activités au printemps.
Avec les changements climatiques, les hivers sont plus courts aussi, ce qui renforce cette culture de l’été. J’écris cet article en octobre et on a eu un week-end exceptionnellement chaud, quasiment un week-end d’été. Notre culture est de plus en plus estivale.
La musique québécoise, le folklore traditionnel
Les Québécois n’écoutent pas beaucoup de musique québécoise, et je suis aussi coupable de ça.
Je dois dire que la musique québécoise est peut-être ce qui est le moins populaire dans la culture québécoise.
Oui, il y a les Cowboys Fringants, on en est fier. Il y a le rap québécois, il y a plein de choses, mais la plupart des gens écoutent 90 % de musique en anglais ou d’autres pays.
J’ai une petite excuse. J’aime davantage la musique classique, la musique instrumentale et la musique d’Amérique latine, donc je suis moins attiré par la musique québécoise. J’en ai écouté beaucoup pour ma culture personnelle, mais quand je pense à la culture québécoise, ce que j’aime surtout, c’est la langue, la littérature. Je lis beaucoup de romans québécois, j’aime beaucoup la télé québécoise, même si certaines personnes n’aiment pas ça. J’aime beaucoup nos séries québécoises, le théâtre. J’aime plein de choses de la culture québécoise, mais la musique québécoise, un peu moins.
La plupart des Québécois n’écoutent pas tellement de musique québécoise
Pourquoi? Je ne sais pas. On est en plein milieu de l’Amérique du Nord, les influences sont très fortes. Oui, on essaie de développer une culture québécoise, mais ce n’est pas du tout ce qu’on voit dans d’autres pays.
Par exemple, en Amérique latine, la musique que les gens écoutent, c’est de la musique en espagnol qui se danse comme la salsa, le reggaeton. C’est ça la musique vraiment populaire.
Même en Italie (je suis allé en Italie cette année, dans le sud de l’Italie), partout les gens écoutaient de la musique populaire italienne, qui ressemble un peu au reggaeton mais qui est différente. C’est ça qui était populaire, c’est ça qui jouait partout.
On vient au Québec, et les gens sont surpris. Souvent, des élèves m’ont dit qu’on n’entend pas beaucoup de musique québécoise. On en entend un peu, mais pas énormément.
C’est peut-être le point faible, un des points faibles de la culture québécoise. La musique québécoise n’est pas très populaire.
Montréal est la métropole francophone de l’Amérique du Nord
Montréal serait la métropole francophone de l’Amérique du Nord, ou la métropole francophone du Québec.
Si vous êtes venus à Montréal récemment, vous avez peut-être remarqué à quel point on entend de l’anglais partout, et même souvent plus que du français.
Oui, la partie francophone est quand même très importante, mais pour vraiment découvrir le Québec francophone, il faut sortir de Montréal.
Montréal est devenue une ville internationale, la langue d’usage pour beaucoup de gens semble être l’anglais
J’habite à Montréal, j’adore Montréal, et je vis en français. J’ai fait un effort pour vivre constamment en français, donc je ne parle pas vraiment l’anglais à Montréal, mais je l’entends partout. Quand je parle à quelqu’un qui a un accent, par exemple un accent anglophone, je ne switch pas à l’anglais, je continue en français pour aider la personne à pratiquer son français.
Mais quand on associe Montréal à une méga métropole francophone, c’est un peu vrai, mais moins qu’avant. Pour vraiment découvrir la culture francophone du Québec, il faut aller à Montréal, mais il faut aussi sortir de Montréal.
Avez-vous aimé cette déconstruction des clichés québécois? Qu’en pensez-vous? Laissez-moi un commentaire.
Merci pour partage. J’ai aimé lire ça.