Voici la version écrite (et révisée) d’une entrevue que nous avons faite cette semaine avec un de nos membres, Richard, qui a plusieurs chaînes YouTube sur l’apprentissage des langues.
Voici le cours complet
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Entrevue avec Richard, polyglotte passionné
Frédéric — On voulait faire cette rencontre pour parler de ton expérience en tant que polyglotte, que je trouve très intéressante. Nous allons aussi échanger sur tes multiples chaînes YouTube et ton travail avec les langues. Commençons par une question simple: Quand as-tu commencé à t'intéresser aux langues étrangères? Par quelle langue as-tu débuté et pourquoi?
Richard — Avant de répondre, je vais me présenter brièvement. Je m'appelle Richard, je viens des États-Unis et, comme Frédéric l'a dit, je suis polyglotte. Mais je ne suis pas un super polyglotte, plutôt un mini-polyglotte! Je parle seulement cinq langues. Honnêtement, je sais que Frédéric en parle plus que moi, donc je devrais peut-être lui attribuer ce titre. Et je sais aussi qu'il y a ici beaucoup de personnes qui parlent plusieurs langues, donc je ne suis pas un expert absolu.
Pour répondre à ta question, Frédéric, je dirais qu'il y a quatre grandes étapes dans mon apprentissage des langues:
Le secondaire. Comme tout le monde, j'ai appris une langue à l'école. J'ai choisi le français pour me distinguer, car toute ma famille parlait espagnol (mes parents, mes sœurs). Mais, comme on le sait, on n'apprend pas grand-chose à l'école. Après trois ans, je savais conjuguer quelques verbes, mais pas vraiment m'exprimer.
Ma mission religieuse. J'ai vécu deux ans au Guatemala, où j'ai appris l'espagnol. Cette expérience m'a changé la vie. Je suis tombé amoureux de la langue espagnole et de la culture latino-américaine. De retour aux États-Unis, je voulais à tout prix conserver mon espagnol. Je me suis dit que, maintenant que je le parlais couramment, je pourrais aussi apprendre le français.
L'université. J'ai décidé d'étudier l'espagnol et le français à l'université, où j'ai obtenu une mineure dans ces deux langues (ma majeure était en génie chimique). Ma véritable passion, cependant, c'était l'apprentissage des langues et des cultures.
La pandémie. Après l'université, j'ai perdu un peu ma motivation et je n'ai jamais réussi à atteindre en français le niveau que j'avais en espagnol. Mais pendant la pandémie, ayant plus de temps libre, j'ai décidé d'apprendre le portugais, ce qui a été une autre expérience marquante. J'adore la culture brésilienne, elle me fascine. Parler avec des Brésiliens tous les jours m'a fait réaliser que l'apprentissage des langues allait faire partie de ma vie pour toujours.
J'ai aussi compris qu'en me concentrant sur le portugais, j'avais un peu perdu mon niveau en français et en espagnol. C'est à ce moment-là que j'ai cherché des méthodes pour entretenir mes langues. Aujourd'hui, j'apprends l'italien, ce qui porte mon total à quatre langues en plus de l'anglais. Par contre, j'ai abandonné l'allemand et le roumain.
Pourquoi le français québécois?
On voit que tu as choisi certaines langues pour des raisons personnelles, mais comment es-tu passé au français québécois et à l'espagnol argentin? Le portugais brésilien, c'est clair, mais pourquoi ces variations régionales?
Je crois que ma réponse est similaire à la tienne pour le portugais européen. Je voulais éviter de refaire la même chose et je voulais apprendre quelque chose de nouveau.
Quand j'ai appris le portugais, j'ai réalisé que la culture est un élément essentiel à ma motivation. La culture brésilienne m'a profondément marqué. Je me suis alors demandé pourquoi je n'avais pas une connexion aussi forte avec une culture française ou hispanophone. Aux États-Unis, je n'avais pas de lien particulier avec une culture hispanophone. Mais j'avais un ami proche, argentin, dont j'adorais l'accent et la manière de parler. J'ai donc commencé à pratiquer avec des Argentins et à apprendre leur variété d'espagnol.
C'est un peu la même histoire pour le français québécois. J'avais un ami québécois à l'université qui m'aidait à apprendre le français, mais il adaptait son accent pour que je comprenne. Pourtant, quand il parlait avec sa famille, je ne comprenais rien! Je lui ai demandé pourquoi il parlait différemment avec moi. Ça m'a intrigué, alors j'ai voulu apprendre le français québécois. Au début, je pensais que la transition serait facile, mais ce n'était pas le cas. Finalement, c'était avant tout une question de connexion culturelle, de rapprochement avec un univers qui me passionnait.
(Frederic) Ça peut paraître comme le choix le plus évident pour les Canadiens d'apprendre le français québécois. Pour les Américains, ça pourrait sembler l'être aussi parce qu'on est proche quand même, géographiquement.
Mais c'est pas toujours si évident que ça parce que, mettons que quelqu'un habite en Californie ou en Floride, c'est pas très proche. D'aller à Montréal ou d'aller à Paris, c'est pas la même distance, mais on s'entend que c'est une journée de voyage en avion.
Donc qu'est-ce qui nous motive? C'est ça la question. Donc moi, pourquoi je me suis remis au portugais, mais européen, c'est parce que j'avais besoin d'une nouvelle motivation. J'avais perdu mon ancienne motivation, toutes les connexions, les amis que j'avais au Brésil, on s'est perdus de vue.
J'avais aucune connexion avec le Brésil. Mais soudainement, j'ai eu envie de voyager au Portugal. Donc c'est devenu ma motivation.
Pour le français québécois, si vous aimez le Québec, c'est la motivation assez claire. Si vous avez des amis québécois comme toi, Richard.
Comment ne pas mélanger les langues
Ce qui me frappe dans tout ça, c'est que c'est quand même un défi d'apprendre des langues qui sont très, très proches. C'est un avantage dans un sens parce qu'il y a beaucoup de mots qui se ressemblent, la grammaire se ressemble et tout ça. Mais c'est aussi un désavantage parce que ça devient un chaos dans le cerveau. On peut vraiment les mélanger. Donc italien maintenant, avant ça, français, espagnol, portugais.
Donc pourquoi choisir juste des langues romanes?
Ma réponse serait parce que je ne suis pas un génie! C'est-à-dire, je n'ai pas un talent particulier qui m'aide à apprendre des langues. Apprendre une langue est vraiment difficile.
Donc commencer du zéro avec une langue d'une famille éloignée, une famille totalement différente, ça me fait peur un peu, on peut dire.
Je suis des chaînes brésiliennes pour enseigner l'italien. Donc je peux trouver des contenus en portugais qui enseignent l'italien, des choses comme ça.
Donc c'est un peu plus facile d'aller d'une langue à l'autre. Mais je crois qu'aussi c'est cet aspect culturel que j'aime la culture latino-américaine. Le Brésil m'intéressait beaucoup plus que d’autres cultures.
Quand j'ai essayé d'apprendre l'allemand, je me suis rendu compte que c'était vraiment plus difficile. Et c'est plus ou moins à cette époque que j'ai décidé, pourquoi pas le portugais? Ça va être un peu plus facile, je crois. Oui, c'est ça, c'est une question de temps. C'est pas parce qu'on veut pas apprendre d'autres langues de d'autres groupes.
Moi, j'aurais aimé apprendre le chinois. J'ai essayé un peu, mais j'ai abandonné.
J'ai essayé deux fois d'apprendre le russe, j'en sais un peu. J'ai un niveau peut-être A1, A2, mais vraiment pas plus que ça. Mais c'est vraiment une question de temps.
Je voulais juste partager aussi mon écran. Donc ici, je sais pas si vous avez déjà vu ça, c'est le FSI, Foreign Service Institute, qui a évalué combien de temps ça prend pour un anglophone d'apprendre différentes langues. Et donc ils les ont catégorisées en groupes.
Vous trouverez cet article sur les niveaux de difficulté des langues du FSI ici.
Donc on a les langues qu'on aime, parce qu'elles sont accessibles, le français, l'italien, le portugais. L'allemand est tout seul dans son groupe, donc c'est plus difficile que les autres langues. Mais quand on arrive au niveau 4 et 5, là on a des langues qui sont très très longues à apprendre. Donc par exemple, c'est presque deux fois plus long d'apprendre le russe. Et quand on arrive à la catégorie 5, on est à environ 2200 heures pour atteindre un niveau B1. Eux disent B2, mais à mon avis, c'est plutôt B1.
L'arabe, le mandarin, le japonais... Imaginez, c'est presque quatre fois plus de temps.
Est-ce que tu as des trucs pour ne pas mélanger les langues? Tu parles très couramment et tu t'es vraiment amélioré depuis la dernière fois. On voit que ton français continue de progresser.
Honnêtement, je dirais que je n'ai pas de solution parfaite qui fonctionne pour tout le monde. Mais avant de partager mes méthodes, je dirais que ce n'est pas grave de mélanger un peu les langues. Ça fait partie de la vie d'un polyglotte. Quand j'ai décidé d'être polyglotte, c'était un choix conscient. Peut-être pas totalement conscient, mais je savais que j'allais mélanger les langues. Ça va arriver.
Évidemment, je ne veux pas parler un mélange total de deux langues, mais parfois, je vais dire quelque chose qui n'a aucun sens dans une autre langue ou utiliser un mot inapproprié. Ça arrive.
Pour moi, il est important d'atteindre un niveau avancé avant de passer à une autre langue. Si j'arrive à un niveau B1 et que je commence une nouvelle langue, je vais probablement plus mélanger et perdre un peu la première. Mais si j'ai un niveau B2 ou C1, c'est moins probable.
Ma méthode, c'est de me concentrer sur une langue à la fois. Au début, j'étudiais une langue chaque semaine. Maintenant, j'étudie une langue par mois. Je conseille aussi d'éviter d'apprendre simultanément deux langues d'une même famille dès le début, car ça favorise la confusion.
La technique de la mini-immersion
C'est quoi exactement cette technique d'une langue par mois? Qu'est-ce que tu fais concrètement?
C'est une sorte de mini-immersion. Pendant ce mois:
J'écoute tous mes podcasts en français
Je regarde des films et des vidéos YouTube en français
Je pratique avec mes tuteurs sur Italki
J'écris dans mon journal en français
Même mon téléphone est configuré en français
Comme je travaille de chez moi, je reçois beaucoup de messages et d'e-mails que je peux traduire automatiquement, donc même mon travail se fait en français
En fait, toute ma vie devient une immersion, à l'exception de mes amis et de ma famille avec qui je parle en anglais.
J'ai développé cette méthode à un moment où j'avais beaucoup perdu mon espagnol et mon français. J'avais étudié le portugais pendant un an et je me suis rendu compte que mes autres langues s'étaient affaiblies. Je me suis demandé comment les réapprendre efficacement et j'ai pensé à alterner: un mois de portugais, un mois d'espagnol, un mois de portugais, un mois de français.
Au début, c'était plutôt une semaine de portugais, une semaine d'espagnol, puis une semaine de portugais, une semaine de français, car j'avais encore besoin de me concentrer davantage sur le portugais.
Cette année, j'apprends l'italien, donc je l'étudie chaque jour en continu. Aujourd'hui, par exemple, j’ai déjà écouté deux heures de podcasts en italien et, pendant que je travaille, j’écoute de la musique italienne. Mais en parallèle, chaque mois, j’entretiens une autre langue. Le mois dernier, c'était le portugais.
Que fais-tu concrètement pour entretenir une langue?
C’est assez simple: je parle avec mes tuteurs, je regarde des vidéos YouTube et je crée du contenu dans cette langue. Ce mois-ci, c’est le français, donc je participe à ce groupe et je fais des vidéos en français.
Pour maintenir mes langues, je privilégie la conversation. Mémoriser des mots ou étudier la grammaire est secondaire. Mon objectif principal est de ne pas perdre ma capacité à parler, donc je pratique l'oral en priorité.
Si tu regardes un film américain, est-ce que tu le regardes en version doublée dans la langue que tu apprends?
Bon, je vais confesser quelque chose de bizarre… quand je regarde des films avec ma famille, ils les regardent en anglais, mais moi, j’ai mes écouteurs et j’écoute le doublage en italien!
Si l’italien n’est pas disponible, j’ai un ordre de préférence:
Italien
Portugais
Français
Espagnol (mais je déteste le doublage en espagnol neutre, c’est tellement plate).
En revanche, le doublage en portugais brésilien n’est pas si mal.
(Frederic) L’année passée, j’ai essayé de pratiquer toutes mes langues en même temps, mais sans règles précises. Finalement, je pense que se concentrer sur une langue à la fois est une bonne idée. Cette année, j’ai un plan qui s’inspire du tien, mais avec quelques ajustements.
J’ai réparti mon année avec 16 semaines consacrées aux deux premières, et 10 semaines pour les autres. Mon plan est flexible. Par exemple, en avril, je vais commencer un cours d’allemand, donc j’ai aligné ma période dédiée à cette langue avec ce cours. En début d’année, j’ai fait presque deux mois d’italien, puis l’espagnol, puis l’allemand et le portugais. Plus tard, je vais voyager au Portugal, donc j’ai prévu environ deux mois de portugais avant mon départ pour vraiment progresser.
C’est un système plus adaptable à mon emploi du temps, mais l’idée reste la même : pendant une période, je me focalise sur une langue principale.
Par exemple, cela fait un mois que je lis uniquement en italien (à l’exception des livres pour mon Club de lecture). Depuis le début de l’année, j’ai lu cinq ou six romans en italien. C’est ma principale activité linguistique.
Quand je regarde des films, j’essaie de les voir doublés en italien si possible. Mais je continue quand même à pratiquer un peu mon espagnol et à écouter des balados en allemand.
En résumé, je me suis inspiré de ta méthode, mais je l’ai adaptée à ma façon.
Oui, c’est exactement la même idée!
Et oui, il faut prévoir les voyages parce que ça peut être une bonne motivation. Chaque année, on peut voyager dans un autre pays. Par exemple, je suis allé au Brésil il y a un an, plus ou moins. C'était aussi le mois du portugais, parce que je voulais améliorer mon niveau pour ce voyage.
Les chaînes GringoGlot
Parlons maintenant de tes chaînes YouTube. Tu en as plusieurs, dont une principale qui s'appelle GringoGlot, mais aussi des chaînes pour le français québécois et pour d'autres langues. Tu as une chaîne qui regroupe toutes les langues, c'est bien ça?
Ma chaîne originale s'appelait GringoGlot et traitait de l'apprentissage des langues avec des vidéos en français, espagnol, portugais, italien, etc.
Mais YouTube ne savait pas à qui recommander mes vidéos, car elles étaient dans plusieurs langues. C'est pourquoi j'ai décidé de créer quatre chaînes distinctes, chacune dédiée à une langue et à sa culture.
Par exemple, ma chaîne sur le français québécois ne parle pas seulement de l'apprentissage des langues, mais aussi de la culture québécoise. C'est pareil pour ma chaîne brésilienne. J'y parle à la fois de langue et de culture, tout en continuant à publier des vidéos sur l'apprentissage des langues sur ma chaîne polyglotte.
Une grande motivation pour moi, c'est de pratiquer mes langues et de rencontrer des gens. Par exemple, Frédéric a déjà participé à ma chaîne. Cela m'a permis de connaître d'autres créateurs de contenu et YouTubeurs. Ça m'a ouvert beaucoup de portes
Merci à Richard d’avoir participé à cette entrevue!
Le cours dont est tirée cette entrevue contient plus d’information, dont une session de questions et réponses.
C'est une entrevue tres interessant! It's reassuring to know that even polyglots confuse languages from time to time. I like the idea of a mini-immersion, and I do it from time to time. It works! Thanks for both of your advice and expertise! Merci beaucoup.
Bravo Richard!