To teach Quebecois French, I’m adapting Le Petit Prince by St-Exupéry. In other words, I’m “translating” it to Quebecois.
This is the third instalment. Read and listen to the previous chapters here
How to use Le Petit Prince en quebecois
The best way to start learning Quebecois French is to listen to the recording (above) while reading the text. Get used to the sounds, the contractions, and the vocabulary, without trying to understand everything. Then, refer back to the glossary and the other recordings separately, for more explanations.
The vocabulary and the audio explanations is found on a separate page, for paid subscribers only.
Chapitre 4
Faque j’avais appris une seconde chose ben importante : C’est que sa planète d’origine était pas ben ben plus grande qu’une maison !
Ça pouvait pas m’étonner tant que ça. Je savais ben qu’en dehors des grosses planètes comme la Terre, Jupiter, Mars, Vénus, auxquelles on a donné des noms, y’en a des centaines d’autres qui sont quequefois si petites qu’on a pas mal de mal à les apercevoir au télescope. Quand un astronome découvre l’une d’elles, y y donne pour nom un numéro. Y l’appelle par exemple : «l’astéroïde 3251. »
J’ai de sérieuses raisons de croire que la planète d’où venait le petit prince est l’astéroïde B 612. Cet astéroïde a été aperçu juste une fois au télescope, en 1909, par un astronome turc.
Y’avait fait dans ce temps-là une grande démonstration de sa découverte à un Congrès International d’Astronomie. Mais personne l’avait cru à cause de son costume. Les grandes personnes sont de même.
Heureusement pour la réputation de l’astéroïde B 612, un dictateur turc a imposé à son peuple, sous peine de mort, de s’habiller à l’Européenne. L’astronome a fait sa démonstration en 1920, dans un habit très élégant. Et cette fois-là tout le monde a été de son avis.
Si je vous ai raconté ces détails-là sur l’astéroïde B 612 et si je vous ai confié son numéro, c’est à cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, y vous questionnent jamais sur l’essentiel. Y vous disent jamais : « C’est quoi le son de sa voix ? C’est quoi les jeux qu’y préfère ? Est-ce qu’y collectionne les papillons ? » Y vous demandent à’a place: « Y’a quel âge ? Y’a combien de frères ? Y pèse combien ? Son père, y gagne combien ? » C’est seulement là qu’y croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes : « J’ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres pis des colombes sul toit… » y parviennent pas à s’imaginer cette maison. Y faut leur dire : « J’ai vu une maison de cent mille piasses. » Alors y s’écrient : «C’est donc ben joli ! »
Faque, si vous leur dites : « La preuve que le petit prince a existé c’est qu’y était ravissant, qu’y riait, pis qu’y voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c’est la preuve qu’on existe » elles hausseront les épaules et vous traiteront d’enfant ! Mais si vous leur dites : « La planète d’où y venait est l’astéroïde B 612 » alors y seront convaincues, et y vous laisseront tranquille avec leurs questions. Elles sont comme ça. Y faut pas leur en vouloir. Les enfants doivent être très indulgents envers les grandes personnes.
Mais, ben sûr, nous autres qui comprenons la vie, nous nous moquons ben des numéros ! J’aurais aimé commencer cette histoire à la façon des contes de fées. J’aurais aimé dire:
« Il était une fois un petit prince qui habitait une planète à peine plus grande que lui, et qui avait besoin d’un ami… » Pour ceux qui comprennent la vie, ça aurait eu l’air beaucoup plus vrai.
Parce que j’aime pas ça qu’on lise mon livre à la légère. J’éprouve une tonne de chagrin à raconter ces souvenirs. Ça fait déjà six ans que mon ami s’est en allé avec son mouton. Si j’essaye ici de le décrire, c’est pour pas l’oublier. C’est triste d’oublier un ami. C’est pas tout le monde qui a eu un ami. Et je peux devenir comme les grandes personnes qui s’intéressent juste aux chiffres. Faque c’est pour ça encore que j’ai acheté une boîte de couleurs pis des crayons. C’est dur de se remettre au dessin, à mon âge, quand t’as jamais fait d’autres tentatives que celle d’un boa fermé pis celle d’un boa ouvert, à l’âge de six ans ! J’vas essayer, ben sûr, de faire des portraits le plus ressemblants possible. Mais chus pas tout à fait certain de réussir. Un dessin est pas pire, pis l’autre ne ressemble pus. Je me trompe un peu aussi sur la taille. Icitte le petit prince est trop grand. Là y’est trop petit. J’hésite aussi sur la couleur de son costume. Faque je tâtonne par ci par là, tant bien que mal. M’as me tromper finalement sur certains détails plus importants. Mais ça, y va falloir me le pardonner. Mon ami y donnait jamais d’explications. Y me croyait peut-être semblable à lui. Mais moi, malheureusement, je sais pas voir les moutons à travers les caisses. Chus peut- être un peu comme les grandes personnes. J’ai dû vieillir.
Chapitre 5
Chaque jour j’apprenais queque chose sur la planète, sur le départ, sur le voyage. Ça venait tout doucement, au hasard des réflexions. C’est comme ça que, le troisième jour, j’ai connu le drame des baobabs.
C’tte fois-là ça a été encore grâce au mouton, car brusquement le petit prince m’a interrogé, comme si y’était pris d’un doute grave :
– C’est ben vrai, hein, que les moutons mangent les arbustes ?
– Oui. C’est vrai.
– Ah ! J’suis content.
J’ai pas compris pourquoi c’était si important que les moutons mangent les arbustes. Mais le petit prince a rajouté:
– Faque y mangent aussi les baobabs ?
J’ai fait remarquer au petit prince que les baobabs sont pas des arbustes, mais des arbres grands comme des églises et que, si même y’emportait avec lui tout un troupeau d’éléphants, ce troupeau-là viendrait pas à boute d’un seul baobab.
L’idée du troupeau d’éléphants a fait rire le petit prince :
– Faudrait les mettre les uns su’es autres…
Mais y’a remarqué avec sagesse:
– Les baobabs, avant de grandir, ça commence par être petits.
– C’est exact! Mais pourquoi veux-tu que tes moutons mangent les petits baobabs?
Y m’a répondu: « Ben voyons donc ! » comme s’il s’agissait là d’une évidence. Et y m’a fallu un grand effort d’intelligence pour comprendre à moi seul ce problème-là.
Et en effet, sur la planète du petit prince, y’avait comme sur toutes les planètes, des bonnes herbes pis des mauvaises herbes. Par conséquent des bonnes graines de bonnes herbes pis des mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Y dorment dans le secret de la terre jusqu’à ce que ça tente à l’une d’elles de se réveiller. Alors a s’étire, et pousse d’abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive. S’y s’agit d’une brindille de radis ou de rosier, on peut la laisser pousser comme a veut. Mais s’y s’agit d’une mauvaise plante, y faut arracher la plante aussitôt, dès qu’on a su ‘a reconnaître. Or y avait des graines terribles sur la planète du petit prince… c’étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on peut pus s’en débarrasser. Y’encombre toute la planète. Y’a perfore de ses racines. Pis si la planète est trop petite, pis si les baobabs sont trop nombreux, y’a font éclater.
« C’t’une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, y faut faire soigneusement la toilette de la planète. Y faut s’astreindre régulièrement à arracher les baobabs dès qu’on les distingue d’avec les rosiers auxquels ils ressemblent beaucoup quand y sont très jeunes. C’est un travail très ennuyant, mais très facile. »
Pis un jour y m’a conseillé de m’appliquer à réussir un beau dessin, pour ben faire entrer ça dans’a tête des enfants de chez moi. « S’y voyagent un jour, qu’y me disait, ça pourra leur servir. C’est quelquefois sans inconvénient de remettre sa job à plus tard. Mais, s’y s’agit des baobabs, c’est toujours une catastrophe. J’ai connu une planète, habitée par un paresseux. Y’avait négligé trois arbustes… »
Pis, sur les indications du petit prince, j’ai dessiné cette planète-là. J’aime pas trop prendre le ton d’un moraliste. Mais le danger des baobabs est si peu connu, pis les risques courus par celui qui s’égarerait dans un astéroïde sont si considérables, que, pour une fois, je fais exception à ma réserve. Je dis : « Enfants! Faites attention aux baobabs ! » C’est pour avertir mes amis d’un danger qu’ils frôlaient depuis longtemps, comme moi-même, sans le connaître, que j’ai tant travaillé ce dessin-là. La leçon que je donnais en valait la peine. Vous vous demanderez peut-être: Pourquoi y’a pas, dans ce livre, d’autres dessins aussi grandioses que le dessin des baobabs ? La réponse est ben simple : J’ai essayé mais j’ai pas pu réussir. Quand j’ai dessiné les baobabs j’ai été animé par le sentiment de l’urgence.