Pourquoi les Américains apprennent le français?
Avec Natalie Amgott de Elevate French
L’année dernière, j’ai enregistré un balado avec Natalie Amgott de Elevate French. Nous continuons notre conversation aujourd’hui dans un nouvel épisode.
J’ai participé dernièrement à son balado, Let’s Speak French, où nous avons parlé de lire en français. Vous pouvez écouter cet épisode ici.
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Pourquoi les Américains apprennent le français?
Tu as un doctorat en apprentissage et enseignement des langues de l'Université de l'Arizona et, en plus de ton travail d'enseignante, tu es active sur les réseaux sociaux avec ta compagnie Elevate French. Est-ce que ton créneau est un peu celui d'enseigner le français à des anglophones qui veulent avoir le point de vue d'une Américaine qui a réussi à le parler couramment, d'être à la fois l'enseignante mais aussi la source d'inspiration, le modèle à suivre?
Je crois que c'est bien le créneau que j'essaie de viser!
Ce sont surtout les étudiants, les apprenants intermédiaires, les apprenants qui se sentent rouillés avec leur français du lycée et qui visent à apprendre le français de quelqu'un qui l’a déjà fait. Comme ça, ils savent que c'est possible de faire.
Pourquoi est-ce que les Américains apprennent le français? Je suis toujours curieux parce que ça m'étonne un peu. Aux États-Unis, l'espagnol est pratiquement la deuxième langue la plus parlée, mais il y a plein d'Américains qui me disent qu'ils ont choisi de suivre des cours de français à l'école, au secondaire. Comment est-ce que tu expliques ça?
Normalement, c'est au collège pour nous ou au lycée où on a le choix finalement de décider entre l'espagnol et le français. Parfois, il y a aussi d'autres langues, mais c'est principalement le français et l'espagnol. L'espagnol c'est la langue qui est, à part l'anglais, la plus parlée aux États-Unis.
Alors, c'est très pragmatique de vouloir apprendre l'espagnol pour le travail, pour les amis hispanophones, etc. Mais pour le français, c’est différent. Donc, je crois que c'est une des raisons pour lesquelles j'avais choisi le français.
C'était un choix différent, mais aussi, c'est la culture.
Il y a des études sur ça, sur les adolescents. (Et il y en a quelques-unes sur les étudiants universitaires, mais moins sur les adultes). Ce sont des études qui regardent la motivation des apprenants de l’anglais versus des apprenants du français aux États-Unis. On voit justement que c'est une question de motivation interne versus externe.
Pour ceux qui apprennent l'espagnol: c'est utile. On va l'utiliser peut-être au travail ou peut-être dans la vie quotidienne. Si on habite en Floride, par exemple, c'est là où j'ai grandi, ce n'était pas vraiment possible d'utiliser le français dans la vie de tous les jours, mais pour l'espagnol, oui.
Donc, la raison pour laquelle on apprend le français, c'est plutôt pour la culture, la musique, la cuisine française, les voyages et, bien sûr, la mélodie de la langue
Il y a plusieurs étudiants qui me disent « J'aime ça le français, il y a une qualité musicale qui m'intéresse ». Alors, entre le voyage et la culture et les cultures francophones, je crois que c'est ce qui nous motive à apprendre le français.
Le français québécois vs. le français de France
C'est un peu l'inverse des Québécois qui apprennent l'espagnol. Autrement dit, ici, on apprend l'anglais par obligation. Évidemment, aussi parce que c'est la langue la plus utile à savoir. L'espagnol, c'est le deuxième choix des Québécois. Mais on dirait qu'on pourrait quasiment dire tout ce que tu as dit du français pour les Québécois qui apprennent l'espagnol, c'est-à-dire pour voyager, pour la culture, ce genre de choses-là.
Mais pour ce qui est de la mélodie du français, est-ce que tu dirais que le français québécois a le même pouvoir d'attraction? Parce que souvent, on critique le français québécois comme étant un peu moins joli que le français européen.
Je trouve que chaque langue a sa propre mélodie. Il n’y a pas de langue qui soit plus belle qu'une autre.
C'est toujours un choix personnel de ce qui nous attire, comme les goûts musicaux, par exemple. Je crois que c'est plutôt un stéréotype, surtout dans l'apprentissage du français. Il y a une emphase de parler le français de France, même avec les profs québécois que j'ai eus, qui essayaient parfois de changer leur accent en enseignant.
Une fois, j’ai eu une prof que j'ai entendue au téléphone et je lui ai dit « mais tu parles complètement différemment ». J'avais remarqué qu'elle parlait complètement différemment avec son accent québécois à elle, quand elle parlait dans la vie réelle, dans la vie quotidienne.
Mais quand elle nous enseignait, elle disait « oh, je ne veux pas que vous parliez comme ça avec cet accent québécois. Je préfère que vous ayez un accent de France ».
Je crois que c'est vraiment un problème avec nos manuels de français et pour l'apprentissage du français aux États-Unis. Parfois aussi au Canada, en dehors du Québec, j'ai entendu que ça arrive aussi — qu’on enseigne le français de France.
Déjà, problématique à mon avis, parce qu'il y a plusieurs accents, dialectes de français en France, hexagonal, c'est-à-dire en Europe. Donc, je crois que c'est plutôt un stéréotype et que ça existe aussi pour l'anglais.
On a l'anglais d'Angleterre et nous, les anglophones, en général, on pense que c'est plus beau, c'est plus original ou quelque chose comme ça. C'est la perspective ou l'impression qu'il y a un dialecte ou un accent qui est meilleur.
Mais du point de vue d'une linguiste, c'est pas le cas. Il n'y a pas une langue qui est plus mélodique ou une variété qui est plus mélodique qu'une autre. Mais ce sont plutôt les pouvoirs socioéconomiques qui nous disent ce qui est mieux.
C'est une question de registre
J'enseignais l'anglais avant et je trouvais que je modifiais l'anglais que j'utilisais en enseignant, un peu comme tu as dit avec le français.
On n'enseigne pas comment parler dans une chanson de rap, par exemple, mais comment parler dans la majorité des cas quotidiens pour être compris, n'est-ce pas?
Pour ce qui est du français québécois, bien sûr qu'il y a des registres différents à la radio.
J'ai plusieurs étudiants intermédiaires qui me disent « bon, je comprends bien Radio-Canada, mais puis j'essaie de regarder un film qui est tourné au Québec et j'ai du mal à comprendre ».
Je réponds, « Il y a deux choses qui se passent quand on écoute la radio. »
Parfois, il y a une personne qui parle à la fois ou une seule personne qui parle et donc c'est une différence. Quand on regarde un film, il y a des gens qui se parlent en même temps, il y a des chevauchements.
Et la deuxième question, c'est la question des registres dont tu as déjà parlé.
Quand on parle à la radio, c'est plus formel. Dans des films, ça dépend, mais si c'est un film, une comédie par exemple, on a tendance à parler un peu plus rapidement et c'est un peu plus informel. Alors, pour les apprenants, je crois que ça nous arrive souvent de penser « qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui m'arrive? Est-ce que j'ai un problème parce que je ne comprends pas ce texte ? »
Et quand je dis « texte », je veux dire une vidéo ou quelque chose que tu lis aussi, mais que tu comprends la radio et des contextes plus formels.
Je crois que si on n'habite pas dans le contexte francophone, c'est tout à fait normal que ce soit plus facile de comprendre la radio que quelque chose de plus informel.
Passer au niveau avancé
Ça montre aussi l'écart qu'il y a entre, par exemple, un niveau intermédiaire et un niveau plus avancé.
Et parfois, en tout cas, je ressens la même chose quand, par exemple, dans une langue que j'essaie de pratiquer comme l'allemand, je me rends compte à quel point j'en ai encore à apprendre et à quel point, malgré toutes ces années d'investissement, j'ai l'impression parfois de rester pris au même niveau. Donc, j'aimerais qu'on parle un peu de ça, du plateau intermédiaire. Ça semble être un plateau presque insurmontable pour plein de gens.
Surtout si on est limité, si on ne peut pas aller vivre dans un contexte francophone. On utilise le français seulement en voyageant ou peut-être au travail, mais on ne vit pas 100% en français. Donc, comment est-ce qu'on peut arriver à surmonter ce plateau et passer, disons, d'un niveau B1, B2 à un niveau C1 et plus avancé?
Je crois que c'est la question que je reçois le plus souvent de mes étudiants. « Qu'est-ce que je fais pour surmonter ce plateau intermédiaire qui arrive au niveau B1, B2 ? »
Je crois qu'il y a trois choses qui arrivent ou trois étapes à surmonter
La première étape, c'est de reconnaître que c'est tout à fait normal.
Quand on commence ses études de français ou de n'importe quelle langue, on fait beaucoup de progrès parce qu'on a commencé de zéro. Donc, on a l'impression « oh, hier, je ne pouvais pas compter en français, mais aujourd'hui, je compte en français. Hier, je ne pouvais pas commander un café. Aujourd'hui, c'est quelque chose que je peux faire. »
Donc, on a cette impression au niveau A1, A2 de faire beaucoup de progrès parce que tout est nouveau. Et justement, c'est une perception.
Mais au niveau intermédiaire, on a cette idée, cette impression. Je dis « impression », car je veux souligner ce mot. On a cette impression qu'on ne fait pas de progrès, qu'on ne fait pas assez de progrès ou même qu'on ralentit.
Mais je veux dire que normalement, c'est une impression qu'on a parce qu'on a déjà fait tout ce progrès au niveau débutant. On a l'impression qu'on ne le fait pas maintenant. Mais ce n'est pas vrai à mon avis.
Si on continue à étudier, on fait des progrès. C'est juste que c'est différent.
Donc, c'est différent parce que tu as déjà appris toutes les conjugaisons. Quand tu apprends les conjugaisons au niveau débutant, c'est facile de dire « OK, oui, c'est fait. J'ai appris le présent. J'ai appris le passé composé. J'ai appris l'imparfait. »
Mais au niveau intermédiaire, il s'agit vraiment du vocabulaire. Donc, ça, c'est la deuxième étape.
C'est de te plonger dans des contextes où tu vas pouvoir apprendre beaucoup de vocabulaire.
Moi, j'aime faire ça en lisant parce que tu peux le faire à ton rythme. Et tu peux faire des pauses pour chercher des mots de vocabulaire et tout ça.
Écrire des notes et puis essayer d'utiliser ces nouveaux mots en contexte. Donc, au niveau intermédiaire et avancé, ça continue.
C'est une question de vocabulaire et comment l'utiliser dans le français oral parce que pour la majorité de nous, l'objectif, c'est de pouvoir parler en français. Donc, ça, c'est la deuxième chose.
Et puis, la troisième chose qu'on peut faire pour surmonter, c'est de trouver un partenaire de responsabilité pour nous motiver. Parce qu'au niveau intermédiaire, quand on est dans le plateau intermédiaire, on se sent bloqué. Et parfois, on perd la motivation.
C'est la pire chose qui puisse nous arriver parce que quand on perd la motivation, on va arrêter d'étudier, par exemple. Et puis, ça va être plus difficile de reprendre nos études. Donc, si on a un ou une partenaire de responsabilité, c'est quelqu'un qui peut nous motiver.
Donc, on peut en trouver en classe. S'il y a quelqu'un, si tu es déjà dans un cours de français et il y a quelqu'un avec qui tu t'entends très bien, tu peux essayer de voir cette personne en dehors de la classe. Sur Zoom, par exemple, j'ai des étudiants qui font ça et ce sont mes étudiants qui font le plus de progrès.
Avec un partenaire de responsabilité, vous envoyez des textos en français, vous vous parlez par FaceTime ou par Zoom en français. C'est aussi une personne qui te motive. Une personne qui est le même niveau, plus ou moins. Et donc, cette personne sait ce qui se passe pour toi parce que cette personne aussi se sent bloquée au niveau intermédiaire.
Alors, à mon avis, surtout pour les adultes parce que pour les adultes, on apprend souvent, on se sent un peu isolé.
Est-ce qu'on a un cours de dix semaines, le cours termine, qu'est-ce qu'on fait après?
Alors, avec le partenaire de responsabilité, reconnaître que c'est tout à fait normal d'être bloqué au niveau intermédiaire, de continuer et de te plonger dans le vocabulaire, de prendre des notes de vocabulaire, d'essayer tous les jours d'apprendre de nouveaux mots et de les incorporer à ton français oral.
Comment apprendre plus de vocabulaire
J'aime vraiment ce que tu dis par rapport à l'impression qu'on a et pendant que tu expliquais ça, j'ai eu une idée. Je me suis dit quand on avance dans une langue, on commence à utiliser des schémas plus difficiles, par exemple, parler au passé, au conditionnel passé, des choses comme ça.
Et là, on a l'impression de faire plus d'erreurs. On se dit « je fais plus d'erreurs qu'avant ». Mais en fait, c'est parce qu'avant, peut-être, on utilisait seulement des formes très simples, par exemple, on parle au présent, on parle de ce qu'on a fait peut-être le week-end passé. Mais là, quand on commence à expliquer des choses un peu plus complexes, on s'enfarge, on fait des erreurs et on se décourage, on se dit « j'ai l'impression de régresser ». Mais en fait, on progresse parce qu'on est en train de discuter de choses de plus en plus complexes.
Mais il faut se rendre compte, comme tu disais, que c'est une impression. Pour avancer dans une langue, évidemment, il nous faut plus de vocabulaire.
Parfois, on peut évaluer notre niveau en fonction du vocabulaire. C'est-à-dire, quand on se rend compte, on lit un texte où il y a peut-être cinq, six, sept mots par page qu'on ne comprend pas, on se rend compte finalement qu'il nous reste encore beaucoup de vocabulaire à apprendre. Beaucoup d'expressions, évidemment.
Et est-ce qu'il y a des astuces, selon toi, pour mieux apprendre et retenir le vocabulaire?
Oui, je crois que c'est la grande question au niveau intermédiaire et au niveau avancé, comme je disais. C'est comment est-ce que je fais pour mieux apprendre le vocabulaire?
Tu as parlé un peu de la lecture. Je sais qu'on est d'accord sur ça, que la lecture, c'est une des meilleures façons d'apprendre un peu plus de vocabulaire.
Mais comment, exactement comment est-ce qu'on fait pour apprendre du vocabulaire en lisant un roman, par exemple?
Je crois que d'abord, il faut fixer une limite. Donc, je me fixe une limite. OK, je vais chercher un mot par page.
S'il y a deux mots que je ne comprends pas, je ne vais pas chercher cet autre mot parce que ça va me distraire de l'histoire et de ce qui se passe. Et donc, si tu cherches chaque mot que tu ne comprends pas, tu n'auras pas le temps de comprendre ce qui se passe dans l'histoire parce que tu seras tellement occupé à noter chaque nouveau mot. Alors, si tu es au niveau B2, par exemple, peut-être que tu fixes la limite de quatre mots par page, trois mots par page, mais une limite qui soit raisonnable.
Et quand tu cherches le mot, tu cherches, tu écris ou tu le mets dans une appli.
Personnellement, je préfère écrire à main parce qu'il y a des études qui démontrent que le cerveau est plus actif quand on le fait comme ça à main. Donc, j'écris la définition.
Si tu peux écrire ça en français ou si tu peux l'écrire dans tes propres mots, avec tes propres mots, ça va t'aider à te souvenir de ce mot.
Donc, en lisant, j'écris, j'ai une liste de mots. J'aime mettre tout ça dans un petit cahier et j'apporte ça avec moi partout où je vais.
Mais tu peux aussi faire ça avec tes notes, l'appli Notes sur le cellulaire, par exemple, si tu es plus technologique que moi. Mais oui, donc, il est important de réviser ces mots, pas seulement de les écrire et de continuer à lire ton roman, mais de fixer peut-être 30 minutes par semaine ou j'aime faire ça le dimanche, par exemple, ou le lundi matin. Tu vas t'asseoir avec cette liste de vocabulaire et tu vas essayer d'utiliser chaque mot en contexte.
Alors, tu peux essayer d'écrire une phrase que tu dirais avec ce nouveau mot, cette nouvelle expression et puis de continuer comme ça à la répétition de ces mots parce que tu vas peut-être te trouver en train d'aller dans le dictionnaire pour retrouver un mot que tu as déjà cherché il y a deux semaines. C'est normal au niveau intermédiaire et avancé et ça va te motiver aussi. Ok, oui, j'ai déjà vu ce mot.
Il faut vraiment que j'essaie de l'utiliser en contexte. Tu peux le faire à l'écrit, à l'oral, dans ta prochaine conversation. Essaye d'utiliser quelques mots que tu as appris cette semaine-là.
Ça, ce sont mes astuces pour lire et comment utiliser ces mots en contexte. Je regardais parce que j'avais fait quelques notes.
Une autre manière d'apprendre beaucoup de vocabulaire, c'est dans la conversation
Si tu as l'opportunité de parler avec des francophones ou avec d'autres apprenants, c'est peut-être le bon moment d'apprendre de nouveaux vocabulaire aussi. Le problème, c'est que dans la conversation, tu n'as pas le temps d'aller chercher ce mot. Mais parfois, avec le contexte, tu vas voir ce que ça veut dire.
Alors, après la conversation, d'écrire dans ton petit cahier. Ok, j'ai appris cette expression idiomatique, par exemple. Ça aide.
Et puis, si tu regardes des films ou des séries, je trouve que ça aide aussi en regardant le film en français, avec des sous-titres en français, d'écrire quelques phrases que tu apprends en regardant. Parce qu'il y a deux types de vocabulaire différents. Quand tu lis, parfois, il y a de l'argot.
Ça dépend de quel type de livre. Mais c'est un registre. En parlant encore une fois des registres, c'est un peu plus formel.
Mais quand tu écoutes la télé ou une série, normalement, c'est un peu plus informel. Alors, c'est le bon moment d'apprendre beaucoup d'argot. Beaucoup de langage familier qu'on va utiliser. Et de pouvoir distinguer. Ok, je ne vais pas pouvoir utiliser ce mot ou cette expression dans le contexte d'un entretien de travail, par exemple, ou d'un discours politique.
Mais que tu vas pouvoir utiliser ça entre amis.
Alors, en apprenant le vocabulaire, de pouvoir distinguer dans quel contexte est-ce que tu peux utiliser ces nouveaux mots, ces nouvelles expressions.
Faut-il vraiment écrire tous les mots nouveaux?
Je te trouve très motivée de faire ça.
Je dois te dire que c'était un peu ce que je faisais avant, en fait. J'utilisais beaucoup des flashcards, j'écrivais beaucoup de notes. Et à un moment donné, j'ai comme arrêté de faire ça.
Et j'aimerais savoir ce que tu en penses. Parce que quand j'avais repris l'allemand il y a quelques années, je l'ai fait de façon assez intense. Et donc, je lisais beaucoup.
Je lisais 2-3 heures par jour. Et j'accumulais des listes de vocabulaire que j'essayais de réviser. Mais à un moment donné, je me suis rendu compte que j'avais au-dessus de 10 000 flashcards.
Il y en a qui se répétaient, il y en a qui étaient les mêmes mots. Et je regardais tout ça et je me suis dit, c'est comme impossible que je révise tout ça. C'est comme impossible.
Donc, ce qui a changé un peu pour moi, c'est que je me suis dit, les mots qui sont importants, si je lis assez et si je pratique assez, ces mots-là vont revenir. Donc, je me suis comme détaché de l'idée, si je ne l'apprends pas tout de suite, je vais le perdre. Parce que je me suis dit, les mots, ils vont revenir de toute façon.
Donc, j'aurai d'autres occasions de m'en souvenir. Je ne sais pas si c'est la bonne approche. Je ne sais pas si ça fonctionne pour tout le monde.
C'est ce que je fais maintenant. Peut-être que je suis rendu un peu plus paresseux. Qu'est-ce que tu en penses de cette idée-là? Si on lit assez, si on pratique assez, le vocabulaire va finir par revenir et on va l'apprendre naturellement sans devoir l'écrire.
Oui, je crois que ça dépend vraiment de l'apprenant, parce que moi, par exemple, même en anglais, j'aime écrire.
Si j'écris quelque chose, il y a une plus grande possibilité que je vais m’en souvenir. Et donc, si je ne l'écris pas, paf, c'est parti!
Même pour mon agenda, mon calendrier, je dois tout écrire. Si c'est sur l'ordinateur, je vais oublier.
Alors, je crois que c'est aussi un choix personnel. Parfois, j'écris des mots de vocabulaire et je ne dois pas revenir parce que je me souviens, je peux visualiser où je l'ai écrit.
C'était sur la troisième page du cahier et je peux visualiser mes notes. Alors, si tu es comme ça, peut-être que c'est mieux d'écrire.
Mais je trouve aussi, c'est peut-être au niveau B2, C1 et C2 où c'est vrai, Frédéric, si on voit un mot, on va continuer à le voir.
Si on continue à lire, si on continue à participer dans la conversation, de consommer des médias en français ou dans la langue quand on apprend.
Alors, oui, et parfois, ton objectif aussi, c'est de pouvoir finir le livre parce que tu veux en discuter pour un Club de lecture et tu n'as pas nécessairement le temps d'écrire chaque nouveau mot que tu apprends. Alors, c'est très réaliste de reconnaître cela aussi.
Par exemple, moi, je fais partie d'un Club de lecture en français et chaque fois que je commence les premiers chapitres, j'ai beaucoup de petites notes culturelles, parfois des notes pour la discussion qu'on va entendre et parfois des notes de vocabulaire. Mais après, pour la deuxième moitié du livre, je dois juste terminer le livre et me plonger dans le livre.
C'est vrai que si le mot est important, tu vas le revoir. Et si tu continues à consommer des livres, des médias en français, tu vas continuer à voir les mots.
Moi, j'aime beaucoup utiliser Word Reference.
J'ai l'appli sur mon portable, sur mon cellulaire, et tu peux mettre une petite étoile chaque fois que tu cherches quelque chose. Alors, ça m'arrive souvent de chercher un mot et je vois qu'il y a déjà une étoile. Ça veut dire, j'ai déjà cherché ce mot.
Mais je veux normaliser ça aussi parce que c'est tout à fait normal que tu vas devoir voir le même mot plusieurs fois avant que ça devienne naturel. Il y a des études qui demandent que c'est 7 fois ou 14 fois. Ça dépend.
Entre 7 et 14 fois que tu dois voir, écouter, utiliser un nouveau mot, une nouvelle expression avant que ça devienne naturel et que ça reste avec toi.
Quoi faire si on vous répond en anglais
Je fais exactement la même chose avec les dictionnaires que j'utilise sur mon téléphone ou sur mon ordinateur. Donc, je mets une étoile et ça me surprend toujours. En fait, ça me rassure, comme tu dis, de voir que c'est pas la première fois que je le cherche. Donc, il y a comme un petit déclic qui se fait et on se dit « ah, ça doit être important, donc on porte un peu plus attention quand ça fait plus qu'une fois. » Donc, c'est vrai que maintenant, je ne les écris plus, mais je les cherche quand même.
Il y a comme un effort actif de me poser la question « qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que j'ai bien compris le sens de ce mot-là? » Et même en français, d'ailleurs, parce que dans notre langue maternelle, on a toujours du vocabulaire à apprendre ou à préciser. Et donc, quand je vois que ça fait plus qu'une fois que j'ai cherché le mot, je me dis « OK, il y a peut-être quelque chose là-dedans. » Et ça aide sûrement à s'en rappeler.
Maintenant, sur une question intéressante, qui est une question probablement qu'on te pose souvent et que j'en reçois souvent aussi. Pour les anglophones qui apprennent le français et qui veulent l'utiliser par exemple au Québec ou à Montréal où plein de gens sont bilingues, souvent on se fait dire qu'on nous répond en anglais. Donc, dès que les Québécois détectent un moindre accent étranger, ils vont se dire « on est mieux de continuer en anglais. »
Premièrement, est-ce que c'est vrai selon ton expérience? Et si ça arrive, qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter qu'on nous prenne pour des anglophones unilingues?
J'adore cette question parce que je crois que c'est la question pour les gens qui voyagent ou qui habitent dans un endroit francophone. Vous avez hâte parce que vous avez tellement étudié. Vous avez hâte finalement de pouvoir communiquer en français.
Puis vous dites « bonjour, je voudrais un café au lait » et on vous répond en anglais.
Donc, je dirais que d'abord pour la première question, ça m'est arrivé beaucoup moins au Québec qu'en France quand j'apprenais le français quand je commençais, je veux dire.
Alors, j'ai étudié au Québec en 2014 et d'abord, ça dépend d'où tu es au Québec parce qu'à Montréal, il y a beaucoup de personnes qui sont très bilingues et c'est assez facile pour ces personnes de naviguer entre le français et l'anglais.
Donc, par exemple, dans le contexte de service, il faut aussi penser à l'efficacité de cette personne qui te sert le café et qui doit s'occuper de mille autres personnes.
Donc, je crois que c'est parfois ce n'est pas personnel. C'est parce que cette personne doit aussi servir les dix autres personnes dans la file d'attente.
Mais qu'est-ce qu'on peut faire? On peut continuer en français. Il faut insister. Et parfois, ça devient un peu ridicule parce que tu vas commander, par exemple, on parle de ce contexte de commander au restaurant et la serveuse va te répondre en anglais.
Il faut insister en français et tu peux continuer en français en faisant la commande ou tu peux même lui dire « Hey, je suis là pour pratiquer mon français. Est-ce qu'il serait possible de me parler en français? »
Et donc, ça, c'est une manière de faire.
Une autre chose que j'aimerais souligner, si on se trouve à Montréal, par exemple, parfois la personne avec qui tu parles change en anglais parce que l'anglais est sa langue maternelle.
Ça arrive parfois. Ça m'est arrivé, je suis au café en 2014, justement, après avoir étudié à Chicoutimi. Je suis allée à Montréal et la majorité des gens me répondait en français.
Il y avait un café où la dame, elle me répondait en anglais quand je lui parlais en français. Finalement, à la fin de la conversation, ma collègue qui était là avec moi m'a dit « Natalie, je crois que c'est sa langue maternelle l'anglais » parce qu'elle a fait quelques erreurs en français au début de la conversation et puis elle a continué en anglais. J'ai plusieurs amis qui habitent à Montréal et qui m'ont dit la même chose.
Ça arrive parfois. Peut-être pas dans la majorité des cas, mais il faut reconnaître qu'il y a une possibilité que l'anglais soit la première langue de cette personne ou que le français soit pas la première langue, que l'espagnol ou l'arabe est la première langue de cette personne.
Il faut insister sur le fait que tu veux pratiquer, que tu veux améliorer et trouver des personnes qui vont te prendre au sérieux, qui veulent te parler en français.
Donc, des amis avec qui tu peux jaser en français, ça aide vraiment parce que ça va augmenter ta confiance quand tu dois faire des interactions de service, par exemple, en français.
Et ça paraît bizarre aussi de dire ça, mais parfois, les gens ne sont juste pas habitués que des touristes ou des anglophones parlent français.
Je l'observe à Montréal. Admettons que je vais dans un café, dans un magasin, il y a énormément de gens qui arrivent et qui vont directement s'adresser au personnel en anglais, sans transition. Donc, les gens sont habitués à ça.
Donc, c'est peut-être comme tu parlais d'efficacité. Ils sont juste pas habitués à ce que quelqu'un parle français ou essaie simplement de pratiquer son français. Parfois, ils ont peut-être l'impression que c'est simplement un geste de politesse et non vraiment une langue de communication qu'on essaie d'établir.
Oui, oui, justement. Je crois que c'est ça. Et aussi pour ceux qui voyagent en France, c'est là où ça m'est arrivé plus souvent que les gens essaient de me parler en anglais.
Mais il y a des amis québécois “de souche.” Je connais des gens qui sont nés au Québec, français, langue maternelle, qui vont après en France et qui se font parler en anglais. Parce que, justement, il y a une différence d'accent.
Et donc, parfois, à Paris, on s'attend à ce que les touristes vont leur parler en anglais. Les touristes d'Espagne, les touristes de Chine vont utiliser l'anglais comme la langue de communication dans ces contextes. Donc, il y a cette idée, cette impression par les personnes qui travaillent dans l'industrie des services qu'on utilise.
Si on parle pas français, on va utiliser l'anglais. Et si on reconnaît pas ton français, même si tu es locuteur natif, parfois, on se fait parler en anglais parce que c'est plus efficace ou quelque chose. Alors, il faut insister un peu sur ce fait.
Ce n'est pas qu'un geste de politesse que tu leur parles en français, mais que, aussi, c'est la langue avec laquelle tu aimerais communiquer pendant cette discussion afin d'apprendre. Donc, si tu as le temps de l'expliquer, je trouve que ça fait une grande différence. J'avais des étudiants à Paris où j'enseignais en 2018 et 2019.
C'était des étudiants américains qui apprenaient à l'étranger. Et je leur disais, il faut le dire aux serveurs, « Hey, je suis étudiante de français et je suis là pour parler français. » Et puis, parfois, on voyait les serveurs, « Oh, c'est extraordinaire que vous veniez ici pour parler français. Je pensais seulement que vous étiez touristes. »
Ce n'est pas un problème d'être touriste, mais si vous leur dites que vous êtes là pour apprendre le français, je crois que ça va dépendre du serveur, mais en général, ça va faire une différence dans la communication.
Très bon conseil.
Et maintenant, j'aimerais qu'on parle de tes nouveaux projets. Donc, la dernière fois qu'on s'est parlé avec ta compagnie Elevate French, tu donnais des cours que tu donnes toujours. Mais maintenant, tu as un nouveau projet qui est ton balado « Let's speak French ». Est-ce que tu pourrais nous en parler et nous dire à qui s'adresse ce nouveau balado?
Oui, c'est un nouveau projet. Et en fait, j'allais le commencer en 2025, mais je voulais vraiment m'y lancer parce que je savais que ça ne va pas être mieux si j'attends. Et donc, si toi, tu attends de commencer un objectif, parfois il vaut mieux juste commencer, même si c'est un désordre total en commençant.
Mais oui, donc pour Let's speak French, mon objectif, c'est de m'adresser aux étudiants intermédiaires qui se sont justement un peu bloqués au niveau intermédiaire, au plateau intermédiaire, c'est-à-dire. Et donc, je donne des conseils de gramme, des leçons de grammaire, de prononciation, parfois de vocabulaire, de culture et des différences parfois entre le français de France en général et le français québécois. Chaque leçon dure entre 9 et 20 minutes parce que je sais que mes étudiants, ils sont très occupés.
C'est une manière de pouvoir apprendre un peu plus en route ou au gymnase.
Donc allez voir ça, le nouveau balado de Natalie Amgot.
Merci Nathalie d'avoir participé à mon balado. Et encore, je pense qu'on s'est surpassé cette fois-ci. Donc merci de tes super conseils pour l'apprentissage du français.




