J’espère que cette question ne prête pas à controverse. Alors qu’il est probablement plus logique pour quelqu’un de ma génération de se concentrer sur une meilleure compréhension du joual dans le cadre du français québécois, penses-tu qu’il en est de même pour les jeunes qui déménagent au Québec? Si l’on adopte un point de vue simplement utilitaire, est-il possible qu’il soit plus utile de maîtriser le français tel qu’il est de plus en plus parlé à Laval? Alors que Frédéric Lacroix considère que Laval s’anglicise de plus en plus, je soupçonne qu’il me serait tout aussi difficile de comprendre une conversation entre deux adolescents «anglicisés» à Laval que de comprendre une conversation entre deux personnes de 80 ans au Saguenay qui utilisent le joual. Encore une fois, je m’intéresse simplement à ce qui serait le plus utile en termes de communication.
Le franglais dans sa version la plus extrême n'est probablement pas une évolution de langue française mais plus une étape avant l'assimilation à l'anglais. La preuve est que l'anglais que ces élèves parlaient entre eux n'était pas du franglais mais de l'anglais pur et simple, sans aucune trace de français. Je ne vois pas l'intérêt de voir le franglais comme une langue à apprendre. On comprend le franglais quand on parle l'anglais et qu'on reconnait l'anglais dans le français parlé. Le français québécois te donne accès à toute la culture québécoise, d'avant et d'aujourd'hui. En fait pour comprendre le français parlé de plus en plus à Laval... il faut juste parler anglais! Car c'est en anglais que bien des gens se parlent, et non en franglais. Le franglais est seulement une tentative de parler français avec difficulté, en copiant paresseusement des formules de l'anglais.
Les linguistes considèrent généralement que 30 à 45 % des mots de la langue anglaise sont dérivés du français. Il ne fait aucun doute que nombre d’entre eux ont remplacé des mots anglais existants et que des structures grammaticales françaises ont également été adoptées. Mais je pense que ce processus a renforcé, plutôt qu’affaibli, la langue anglaise et qu’il contribue, à ce jour, à son acceptation universelle. La langue française est-elle si fragile que l’adoption d’un nombre beaucoup plus restreint de mots anglais constitue une menace existentielle? Personnellement, je ne le pense pas.
J’ai lu un grand nombre d’articles sur ce sujet au cours des dix dernières années, ainsi qu’un nombre incalculable de commentaires (dont beaucoup étaient très grossiers), et il semble que ceux qui sont les plus alarmistes ont généralement des motivations politiques sous-jacentes telles que des lois linguistiques plus restrictives, un plus grand contrôle de l’immigration, ou même la séparation. Mais les mesures prises jusqu’à présent semblent avoir peu contribué à ralentir le processus d’«anglicisation». En fait, à bien des égards, elles pourraient avoir été contre-productives. Si le Québec devait se séparer du reste du Canada, ce que je ne crois pas que ni toi ni moi ne verrons, le processus pourrait même s’accélérer.
Je dois maintenant me consacrer à quelque chose de plus important : terminer ma lecture de Bonheur d’occasion. Un livre qui ne me semble pas du tout étranger et que je revendique comme faisant partie de mon patrimoine canadien. 👍
Merci de tes commentaires Warren. Je crois que je vais en faire le sujet de discussion pour le cours de mercredi! Je ne suis pas alarmiste quant à l'usage des anglicismes en français. Je dirais qu'il y a une différence entre l'usage d'anglicismes et de dire quelque chose comme "Une différence que notre temps they like to be entertained à la place de entertain themselves."
Es-tu prêt à élargir ta description du problème de l’individu anglicisé à celui de l’individu francisé lorsqu’il s’installe au Québec ? Ce serait aussi un problème, ou est-ce le résultat voulu de la politique gouvernementale ? La plupart des Québécois considéreraient-ils comme préjudiciable que les immigrants aient de la difficulté à faire parler leur langue maternelle à leurs enfants ? Ou bien ce problème concerne-t-il uniquement la langue anglaise ? 😉
Le Devoir a publié le 27 juillet un article intitulé « Le français est-il envahi par les anglicismes ? » Il évoque des recherches qui montrent que l’anglais a beaucoup moins « envahi » la langue française qu’on ne le croit généralement et subjectivement.
Oui bien sûr, il va de même dans toutes les langues. On peut se franciser, se germaniser, etc. J'avais parlé de cela dans la première version du podcast, mais ça commençait à être trop long, et je l'ai coupé au montage. Au final je voulais expliquer la nature de ces mots. Ensuite, à quel point le phénomène est répandu est un autre débat. Un individu peut certainement perdre sa langue maternelle en venant s'installer au Québec, comme ça pourrait arriver aux États-Unis ou ailleurs. Pour moi, le problème de la langue est surtout de garder sa langue dans son pays. Perdre sa langue en immigrant, ça arrive après plusieurs générations. Il n'y a pas beaucoup d'exceptions. Mais perdre sa langue dans son propre pays (ici par pays je me réfère à la terre d'origine), c'est quelque chose d'un peu plus triste.
Alors que ton article commence par mettre l’accent sur la nature des deux termes, il se termine par une liste de «problèmes». Normalement, une conclusion est un résumé de ce qu’un auteur considère comme le plus essentiel dans ce qu’il a écrit. Cette liste de problèmes contient un jugement implicite qui s’appliquerait à bon nombre de mes ami·e·s et collègues francophones originaires du Québec. Bien que je ne puisse pas le détecter, je sais qu’au fil des ans, ils sont devenus un peu moins compétents dans leur langue maternelle. Ils utilisent plus d’anglicismes que lorsqu’ils ont déménagé du Québec (généralement pour faciliter la communication) et peuvent également utiliser des calques anglais sans s’en rendre compte. De même, bien qu’ils soient inscrits dans une école francophone, leurs enfants ne maîtrisent peut-être pas complètement le français et préfèrent utiliser l’anglais. Cela est d’autant plus vrai si leur conjoint·e est anglophone. Mais si cela peut être considéré comme un problème par ceux qui ont une certaine vision du Québec, je ne le vois pas comme un problème dans le contexte canadien. Si un Canadien anglophone déménage au Québec et y reste (peut-être dans une petite ville) et qu’avec le temps, il commence à perdre une certaine maîtrise de l’anglais et que ses enfants parlent mal l’anglais, je ne vois pas cela comme une tristesse ou un problème. Ils sont toujours pleinement canadien·ne·s. En fait, ils ont accepté ce que signifie être pleinement Canadien·ne plus que la grande majorité des Canadiens anglophones. Je les félicite pour leur décision et ne les jugerai jamais (même si, pour être juste, je sais que certains anglophones les jugeraient). Je sais que nous ne partageons pas la même vision du Canada et que nous devons accepter d’être en désaccord.
J'ai enregistré le podcast en premier, donc ce n'est pas la structure classique d'un article. Bref, je voulais surtout parler du phénomène de l'assimilation linguistique au Québec. Je ne juge pas du tout les Québécois qui perdent un peu la maîtrise de leur langue parce qu'ils vivent dans une autre province ou dans un autre pays. Mais perdre sa langue dans son propre pays montre qu'il y a une autre dynamique en marche. Donc les "problèmes" s'appliquent aux Québécois qui perdent la maîtrise de leur langue sans jamais quitter le Québec.
J’espère que cette question ne prête pas à controverse. Alors qu’il est probablement plus logique pour quelqu’un de ma génération de se concentrer sur une meilleure compréhension du joual dans le cadre du français québécois, penses-tu qu’il en est de même pour les jeunes qui déménagent au Québec? Si l’on adopte un point de vue simplement utilitaire, est-il possible qu’il soit plus utile de maîtriser le français tel qu’il est de plus en plus parlé à Laval? Alors que Frédéric Lacroix considère que Laval s’anglicise de plus en plus, je soupçonne qu’il me serait tout aussi difficile de comprendre une conversation entre deux adolescents «anglicisés» à Laval que de comprendre une conversation entre deux personnes de 80 ans au Saguenay qui utilisent le joual. Encore une fois, je m’intéresse simplement à ce qui serait le plus utile en termes de communication.
Le franglais dans sa version la plus extrême n'est probablement pas une évolution de langue française mais plus une étape avant l'assimilation à l'anglais. La preuve est que l'anglais que ces élèves parlaient entre eux n'était pas du franglais mais de l'anglais pur et simple, sans aucune trace de français. Je ne vois pas l'intérêt de voir le franglais comme une langue à apprendre. On comprend le franglais quand on parle l'anglais et qu'on reconnait l'anglais dans le français parlé. Le français québécois te donne accès à toute la culture québécoise, d'avant et d'aujourd'hui. En fait pour comprendre le français parlé de plus en plus à Laval... il faut juste parler anglais! Car c'est en anglais que bien des gens se parlent, et non en franglais. Le franglais est seulement une tentative de parler français avec difficulté, en copiant paresseusement des formules de l'anglais.
Les linguistes considèrent généralement que 30 à 45 % des mots de la langue anglaise sont dérivés du français. Il ne fait aucun doute que nombre d’entre eux ont remplacé des mots anglais existants et que des structures grammaticales françaises ont également été adoptées. Mais je pense que ce processus a renforcé, plutôt qu’affaibli, la langue anglaise et qu’il contribue, à ce jour, à son acceptation universelle. La langue française est-elle si fragile que l’adoption d’un nombre beaucoup plus restreint de mots anglais constitue une menace existentielle? Personnellement, je ne le pense pas.
J’ai lu un grand nombre d’articles sur ce sujet au cours des dix dernières années, ainsi qu’un nombre incalculable de commentaires (dont beaucoup étaient très grossiers), et il semble que ceux qui sont les plus alarmistes ont généralement des motivations politiques sous-jacentes telles que des lois linguistiques plus restrictives, un plus grand contrôle de l’immigration, ou même la séparation. Mais les mesures prises jusqu’à présent semblent avoir peu contribué à ralentir le processus d’«anglicisation». En fait, à bien des égards, elles pourraient avoir été contre-productives. Si le Québec devait se séparer du reste du Canada, ce que je ne crois pas que ni toi ni moi ne verrons, le processus pourrait même s’accélérer.
Je dois maintenant me consacrer à quelque chose de plus important : terminer ma lecture de Bonheur d’occasion. Un livre qui ne me semble pas du tout étranger et que je revendique comme faisant partie de mon patrimoine canadien. 👍
Merci de tes commentaires Warren. Je crois que je vais en faire le sujet de discussion pour le cours de mercredi! Je ne suis pas alarmiste quant à l'usage des anglicismes en français. Je dirais qu'il y a une différence entre l'usage d'anglicismes et de dire quelque chose comme "Une différence que notre temps they like to be entertained à la place de entertain themselves."
Es-tu prêt à élargir ta description du problème de l’individu anglicisé à celui de l’individu francisé lorsqu’il s’installe au Québec ? Ce serait aussi un problème, ou est-ce le résultat voulu de la politique gouvernementale ? La plupart des Québécois considéreraient-ils comme préjudiciable que les immigrants aient de la difficulté à faire parler leur langue maternelle à leurs enfants ? Ou bien ce problème concerne-t-il uniquement la langue anglaise ? 😉
Le Devoir a publié le 27 juillet un article intitulé « Le français est-il envahi par les anglicismes ? » Il évoque des recherches qui montrent que l’anglais a beaucoup moins « envahi » la langue française qu’on ne le croit généralement et subjectivement.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/817171/point-langue-francais-est-il-envahi-anglicismes
Oui bien sûr, il va de même dans toutes les langues. On peut se franciser, se germaniser, etc. J'avais parlé de cela dans la première version du podcast, mais ça commençait à être trop long, et je l'ai coupé au montage. Au final je voulais expliquer la nature de ces mots. Ensuite, à quel point le phénomène est répandu est un autre débat. Un individu peut certainement perdre sa langue maternelle en venant s'installer au Québec, comme ça pourrait arriver aux États-Unis ou ailleurs. Pour moi, le problème de la langue est surtout de garder sa langue dans son pays. Perdre sa langue en immigrant, ça arrive après plusieurs générations. Il n'y a pas beaucoup d'exceptions. Mais perdre sa langue dans son propre pays (ici par pays je me réfère à la terre d'origine), c'est quelque chose d'un peu plus triste.
Alors que ton article commence par mettre l’accent sur la nature des deux termes, il se termine par une liste de «problèmes». Normalement, une conclusion est un résumé de ce qu’un auteur considère comme le plus essentiel dans ce qu’il a écrit. Cette liste de problèmes contient un jugement implicite qui s’appliquerait à bon nombre de mes ami·e·s et collègues francophones originaires du Québec. Bien que je ne puisse pas le détecter, je sais qu’au fil des ans, ils sont devenus un peu moins compétents dans leur langue maternelle. Ils utilisent plus d’anglicismes que lorsqu’ils ont déménagé du Québec (généralement pour faciliter la communication) et peuvent également utiliser des calques anglais sans s’en rendre compte. De même, bien qu’ils soient inscrits dans une école francophone, leurs enfants ne maîtrisent peut-être pas complètement le français et préfèrent utiliser l’anglais. Cela est d’autant plus vrai si leur conjoint·e est anglophone. Mais si cela peut être considéré comme un problème par ceux qui ont une certaine vision du Québec, je ne le vois pas comme un problème dans le contexte canadien. Si un Canadien anglophone déménage au Québec et y reste (peut-être dans une petite ville) et qu’avec le temps, il commence à perdre une certaine maîtrise de l’anglais et que ses enfants parlent mal l’anglais, je ne vois pas cela comme une tristesse ou un problème. Ils sont toujours pleinement canadien·ne·s. En fait, ils ont accepté ce que signifie être pleinement Canadien·ne plus que la grande majorité des Canadiens anglophones. Je les félicite pour leur décision et ne les jugerai jamais (même si, pour être juste, je sais que certains anglophones les jugeraient). Je sais que nous ne partageons pas la même vision du Canada et que nous devons accepter d’être en désaccord.
J'ai enregistré le podcast en premier, donc ce n'est pas la structure classique d'un article. Bref, je voulais surtout parler du phénomène de l'assimilation linguistique au Québec. Je ne juge pas du tout les Québécois qui perdent un peu la maîtrise de leur langue parce qu'ils vivent dans une autre province ou dans un autre pays. Mais perdre sa langue dans son propre pays montre qu'il y a une autre dynamique en marche. Donc les "problèmes" s'appliquent aux Québécois qui perdent la maîtrise de leur langue sans jamais quitter le Québec.