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Vivre au Québec aujourd’hui
La dernière fois, je vous ai parlé de la vie au Québec d’une façon très personnelle, en vous racontant comment c’était d’avoir grandi ici dans un milieu francophone.
Nous allons continuer notre exploration de la vie au Québec et être un peu plus pratiques, en abordant des questions importantes sur le Québec des années 2020.
Mais pour faire cela, je dois retourner encore un peu en arrière pour bien pouvoir saisir les changements qui ont eu lieu dans les vingt dernières années. Je vais donc vous raconter comment j’ai trouvé la vie au Québec durant les années 2000 et 2010, et puis parler du Montréal et du Québec d’aujourd’hui.
Pour lire ou écouter la première partie de cette série:
Les années 2000 au Québec
Au début de la vingtaine, je suis parti en pèlerinage personnel en Californie, où j’ai fini par rester deux ans et demi. J’étais un Québécois qui avait des connaissances livresques de l’anglais. Une fois sur place, j’ai dû m’adapter et apprendre très rapidement l’anglais parlé. C’est là-bas que je suis devenu bilingue et que j’ai appris à faire des sites web et à vivre une vie de nomade numérique, chose qui était très rare à l’époque.
Au début, mon rêve était de vivre en Californie. Je n’avais pas du tout envie de retourner au Québec, après avoir connu le climat doux et ensoleillé de San Diego. Mais après deux ans et demi sans permis de travail, mes perspectives d’avenir commençaient à s’amenuiser. De plus, je commençais à avoir le mal du pays. J’étais loin de ma famille, de mon milieu d’origine et aussi de ma langue maternelle.
Finalement, après avoir épuisé toutes les possibilités pour rester légalement aux États-Unis, je suis retourné au Québec en plein milieu d’un hiver très rigoureux.
C’était le début des années 2000. Tout le monde écoutait Coldplay. Arcade Fire, un band de Montréal avait sorti son album mythique, Funeral. Rêver Mieux de Daniel Bélanger jouait à la radio, les musiciens du Buena Vista Social Club était encore en vie, les téléphones cellulaires n’étaient pas omniprésents, et le iPhone n’avait pas encore été inventé.
Il y avait une énergie de renouveau dans l’air au Québec. Le référendum de 1995 avait été oublié, le Québec se modernisait de plus en plus, et Montréal était une ville de plus en plus attrayante pour les étrangers.
Je revenais de la Californie, où le coût de la vie était très élevé. Les avocats (🥑), importés eux-mêmes de Californie, coûtaient deux fois moins cher au Québec. À San Diego, je louais une toute petite chambre dans une maison pour 400 $ US par mois, ce qui représentait 580 $ CAD au taux de change de l’époque. À Montréal dans les années 2000, je pouvais louer un bel appartement au complet pour ce prix!
Je travaillais sur Internet en dollars américains, mais comme le dollar canadien valait beaucoup moins et le coût de la vie à Montréal était beaucoup plus bas, j’avais une meilleure qualité de vie que quand j’étais en Californie.
Vers 2005, je me suis lassé de la ville et j’ai décidé de m’installer dans la région des Laurentides. J’ai loué le premier étage d’une maison de campagne pour 550 $ par mois, à Prévost, une bourgade proche de la station touristique de Saint-Sauveur. Des chevreuils venaient nous rendre visite. L’hiver, le paysage couvert de neige était magique et l’été, j’allais faire du vélo durant des heures le long du Petit Train-du-Nord, une longue piste cyclable qui longe lacs et rivières.
Plus tard, je me suis installé dans un condo que je louais à Piedmont, encore plus proche de Saint-Sauveur. J’allais souvent au parc du Mont-Tremblant, plus au nord. C’est un gigantesque parc national parsemé d’innombrables lacs et montagnes.
C’est dans les Laurentides que j’ai passé certaines des années les plus productives et positives de ma vie adulte.
C’est aussi là que j’ai concocté le plan de passer mes hivers au Costa Rica et de faire un long voyage autour du monde, une histoire que je raconte sur plusieurs articles disponibles sur mon site.
Bref, j’ai quitté les Laurentides pour partir à l’aventure à travers le monde, et je me suis installé pour un an et demi à Vancouver.
Cette période se termina en 2012, quand je suis revenu à Montréal pour m’y installer de façon définitive.

Les années 2010 au Québec
Quand je suis revenu à Montréal, j’étais parti depuis plusieurs années et j’ai dû refaire ma vie en quelque sorte. J’ai erré pendant quelques mois, jusqu’à ce que je trouve un bel appartement à louer dans la Petite Italie en juin 2013.
Au début, je pensais seulement rester un an ou deux et ensuite retourner vivre dans les Laurentides. Mais finalement, je suis retombé amoureux de Montréal et je n’ai pas voulu partir. Cela fait plus de dix ans que je suis au même endroit, ce qui a largement battu mon record précédent de deux ans.
Le Montréal des années 2010 avait changé, par rapport à ce que j’avais connu dans la décennie précédente.
La ville était devenue plus internationale. Le quartier où j’habite était plutôt ouvrier et de classe moyenne ou pauvre. Mais il s’est transformé rapidement est devenu plus comme le Plateau, un quartier bourgeois et tendance, autrefois très pauvre.
Dans les années 2010, La ville restait quand même très abordable comparé à Vancouver ou aux grandes villes américaines. L’appartement que je louais coûtait la moitié de ce que je payais à Vancouver, plus ou moins.
En habitant à Montréal, j’ai découvert les plaisirs de la proximité. De pouvoir aller partout où je voulais en ville en me déplaçant à pied, à vélo ou en métro.
Je continuais de voyager l’hiver, mais avec le temps, je sentais que j’avais de plus en plus assouvi ma soif d’exotisme et de voyages.
Et finalement, en 2020, la pandémie est arrivée et a donné tout un choc à la société québécoise, comme elle l’a fait ailleurs sur la planète.
Vivre au Québec aujourd’hui
Inutile de s’attarder trop sur le fait que la pandémie a changé beaucoup de choses. Comme dans beaucoup de pays, le Québec a connu plusieurs confinements, traumatismes et chocs systémiques durant la pandémie.
Voyons comment est le Québec d’aujourd’hui, pour quelqu’un qui y habite ou déciderait de s’y installer.
La ville de Montréal
Valérie Plante est devenue mairesse de Montréal en 2017, et l’est encore à l’heure actuelle. Son parti est Projet Montréal, et elle a grandi à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue. Elle a succédé à Denis Coderre, un politicien d’expérience.
On peut dire que l’élection de Valérie Plante marque un point tournant dans la direction que Montréal a prise. Le parti est beaucoup plus à gauche que les précédents, et a une vision axée sur l’urbanisme, la qualité de vie et l’environnement.
Mon impression est que les Montréalais en général apprécient la mairesse et le travail qu’elle fait, mais beaucoup de gens chialent sur le fait qu’il y a de plus en plus de pistes cyclables et de moins en moins de places de stationnement.
Bref, il y a toujours eu deux visions politiques différentes pour la ville, une axée sur le développement économique et l’autre sur la qualité de vie. Et peu importe quel parti est au pouvoir, il ne pourra jamais satisfaire tout le monde.
Mais avec cette vision plus environnementale, j’ai l’impression que Montréal se sépare de plus en plus du reste du Québec
Montréal est plus à gauche et le reste du Québec un peu plus à droite. Quand je dis à droite, il ne faut pas exagérer. Le Québec est quand même très à gauche sur l’axe politique, donc on parle plutôt du centre et de la gauche.
Montréal veut rendre les transports en commun plus accessibles, mais certains voient cela comme une “guerre contre la voiture” et contre les automobilistes.
Beaucoup de gens qui habitent en région disent ne plus venir à Montréal parce qu’il “n’y a pas de parking.” Dès qu’une piste cyclable est aménagée, il s’ensuit de nombreuses levées de boucliers, c’est-à-dire une sorte d’indignation populaire.
Pourquoi? Encore une fois, c’est parce qu’on enlève quelques places de stationnement.
Le chemin vers l’urbanisme est long et ardu, et ce ne sera jamais facile de faire plus de place aux transports en commun et moins de place à la voiture, même si tous les experts s’entendent pour dire que c’est la voie de l’avenir.
Mais en même temps, on ne peut pas créer une ville seulement pour les bobos qui se promènent en vélos, se font livrer de la bouffe par UberEats et boivent des lattés à $8. Il faut une ville pour tout le monde.
Il y a eu de nombreux changements positifs à Montréal depuis les années. J’apprécie l’implantation de Bixi, qui offre des vélos en libre-service. Il y a beaucoup plus de pistes cyclables qu’avant. Mais, malgré ce que bien des gens pensent, le vélo ne représente qu’une infime partie de tous les transports effectués dans la ville.
Parmi les projets qui ont transformé la ville, on peut penser à:
La création du Quartier des Spectacles, avec l’inauguration de plusieurs nouvelles salles.
L’Esplanade tranquille, qui est une patinoire dans le centre-ville.
Les rues piétonnes l’été.
Les changements de réglementation qui permettent que les restaurants et les bars aient des terrasses dans la rue.
Et d’autres petits détails qui font que Montréal est devenue une ville très attrayante pour les touristes et ceux qui recherchent une belle qualité de vie.
Le revers de la médaille est que plusieurs quartiers se sont embourgeoisés. Je parle ici du processus de gentrification ou embourgeoisement en bon français.
Le côté positif de l’embourgeoisement est que les quartiers un peu malfamés aux édifices délabrés retrouvent une nouvelle vie. Plusieurs commerces s’installent dans un quartier à la mode et on retrouve plus de services, plus de restaurants, plus de cafés, et ainsi de suite.
L’aspect négatif de ce processus est que presque tout devient plus cher et pour une clientèle plus aisée. Au lieu d’un café Tim Horton’s pas cher, on a des cafés branchés où le café coûte deux ou trois fois plus cher. Au lieu d’un bar de type brasserie, on a des bars à vin qui servent des hors-d’œuvre gastronomiques à $25 et des cocktails à 20 $. Et bien sûr, les appartements qui étaient accessibles à tout le monde sont remplacés par des condos plus luxueux et hors de prix pour la plupart des gens.
Les populations plus pauvres sont donc tranquillement déplacées de leur propre milieu de vie et le visage de la ville change petit à petit.
Comme je disais, ce n’est pas que négatif.
C’est une question compliquée qui n’est certainement pas unique à Montréal. On peut observer la même dynamique dans plusieurs grandes villes du monde.
Ce qu’on peut dire c’est que Montréal s’est modernisée et transformée avec le temps. Elle est maintenant devenue une ville de calibre internationale qui est hautement désirable en tant que destination touristique ou endroit où habiter. Mais le fait est qu’en ce faisant, Montréal perd un peu son âme (on pourrait dire qu’elle a vendu son âme au diable) et court le risque de devenir une autre ville comme les autres, c’est-à-dire un terrain de jeu pour les riches et les touristes.
Le gouvernement
Le Québec a aussi eu un nouveau gouvernement en 2018, celui de la CAQ (La coalition Avenir-Québec), qui est en poste pour un deuxième mandat.
L’élection de la CAQ a été un changement majeur dans la politique du Québec.
Pendant des années, les gouvernements du Québec ont été soit le Parti libéral, soit le Parti québécois.
Jusque dans les années 90, voter pour le Parti québécois était comme un vote en faveur de la souveraineté du Québec. Voter libéral représentait un vote pour une vision plus fédéraliste, c’est-à-dire qui croyait en la place du Québec au sein de la fédération canadienne.
Mais avec l’élection de la CAQ, tout a changé.
La CAQ est un gouvernement de coalition, c’est-à-dire qu’il est composée de l’union de plusieurs partis.
On pourrait dire que la CAQ est un parti centriste au niveau économique, et nationaliste au point de vue social.
Donc, voter pour la CAQ n’est pas un vote pour l’indépendance du Québec, mais pour une autre vision du Québec. Nationaliste, sans être indépendantiste.
La CAQ a mis en place certaines lois controversées, comme la Loi sur la laïcité de l’État, en 2019, qui limite l’usage des signes religieux pour les personnes en position d’autorité. C’est donc une loi qui cherche à séparer l’État et la religion, le plus possible. Récemment, la CAQ a aussi introduit la loi 96, qui donne un peu plus de pouvoir à la Charte de la langue française ou la Loi 101.
Cette loi 96 renforce certaines dispositions de la loi 101, notamment en augmentant les exigences d'usage du français dans les entreprises de 25 employés et plus et en rendant obligatoire l'utilisation du français dans certains secteurs de la fonction publique et du commerce.
Avec ces lois et l’attitude générale du Québec, on sent la tension avec le Canada de Justin Trudeau, qui voit le pays comme un melting-pot multiculturel où toutes les cultures doivent être respectées et acceptées.
Le Québec dit plutôt: oui, vous pouvez venir ici, mais il va falloir vous adapter à nos lois et notre culture, pas l’inverse.
Certaines personnes pourraient voir cela comme une prise de position radicale, mais on peut dire qu’elle représentait ce que beaucoup de Québécois pensaient.
La CAQ a délogé tous les autres partis et maintenant le parti Libéral est en ruine et en recherche d’identité.
Mais depuis un certain temps, la CAQ a perdu en popularité et le paysage politique du Québec est incertain. Mais ça va être le sujet d’un prochain article!
La langue française
Même si le gouvernement du Québec a essayé de faire quelque chose pour la langue française, elle n’a pas réussi et ne réussira pas à contrer un phénomène qui est en cours depuis longtemps: l’anglicisation.
C’est quoi, au juste, l’anglicisation?
C’est un certain nombre de mécanismes qui font que la langue anglaise prend de plus en plus de place dans la vie. Par exemple:
L’obligation d’apprendre l’anglais pour accéder au monde du travail.
L’obligation de travailler principalement en anglais.
Des villes où de moins en moins de gens ont le français comme langue maternelle ou d’usage.
L’usage du franglais, c’est-à-dire le mélange de l’anglais et du français dans une même conversation ou phrase.
La perte d’habiletés en français écrit, en vocabulaire ou en grammaire chez les jeunes.
L’omniprésence de la langue anglaise dans la musique, les films et la culture populaire.
Une partie de la population immigrante qui choisit de vivre principalement en anglais plutôt qu’en français.
L’usage grandissant des anglicismes.
Le nombre grandissant de commerces avec des noms de marque en anglais, ce qui transforme le paysage linguistique de la province.
Ceci étant dit, je ne dis pas que le français va disparaître du Québec. L’anglicisation est aussi forte dans plusieurs pays, et même en France.
Mais cela fait en sorte que la situation du français au Québec est assez précaire, comme elle l’a toujours été d’ailleurs.
Le coût de la vie
Avec l’augmentation du niveau de vie vient l’augmentation du coût de la vie. Le Québec que j’ai connu dans les années 90 et 2000 et même 2010 était un endroit beaucoup moins riche, mais où en contrepartie le coût de la vie était beaucoup plus bas qu’ailleurs en Amérique du Nord.
Aujourd’hui, le Québec fait face à une crise du logement sans précédent.
Il faut dire que le même phénomène touche beaucoup de pays développés sur la planète. Il n’est donc pas unique au Québec.
Le prix moyen d’un trois et demi à Montréal est de près de 1700 $ aujourd’hui.
En passant, un trois et demi c’est un appartement avec une chambre fermée. On calcule la cuisine, le salon et la chambre comme étant des pièces, et le “demi” c’est la salle de bain. Un 4 et demi c’est donc un appartement avec deux chambres fermées.
Le prix moyen d’un 4 et demi est de plus de 2000 $, et dans le centre-ville, le prix est de 2850 $ par mois.
C’est très loin de l’époque dont je vous ai parlé, où je me logeais pour 500 $ ou 600 $ par mois.
Quand je suis revenu à Montréal en 2012, j’ai trouvé mon grand 4 et demi bien situé pour 1150 $ par mois. Il y a quelques années, je l’ai acheté à gros prix, mais je suis au moins content d’avoir un endroit que je peux appeler mon chez-moi.
Cette crise du logement vient avec la crise de l’inflation qui touche le monde entier depuis la fin de la pandémie.
Par contre, si on se compare, on se console.
À Toronto, le prix moyen d’un 3 et demi est de plus de $2550, ce qui est $850 de plus que Montréal.
À Vancouver, le prix moyen est encore plus extravagant, et dépasse les $3000.
Montréal reste donc une ville plus abordable que les deux autres grandes métropoles du Canada. Mais pour combien de temps?
Conclusion
J’espère que vous avez aimé ce petit tour d’horizon du Québec d’aujourd’hui. Dans le prochain épisode, je vais vous parler de la vie au Québec du point de vue de quelqu’un qui aimerait s’installer ici. Comment réussir sa vie au Québec? Nous terminerons cette discussion dans le prochain épisode.
Le vocabulaire
Saisir les changements. Comprendre. Grasp.
Un pèlerinage personnel. Pilgrimage.
Des connaissances livresques de l’anglais. Qui viennent des livres.
Un nomade numérique. A digital nomad.
Mes perspectives d’avenir commençaient à s’amenuiser. À diminuer.
Avoir le mal du pays. La nostalgie du pays d’origine.
Je me suis lassé de la ville. Fatigué.
Une bourgade. Une petite ville ou un petit village, aux maisons espacées.
Un parc national parsemé d’innombrables lacs. Sprinkle, en anglais. Donc, il y a des lacs un peu partout.
J’ai concocté le plan. Élaborer, préparer. Terme familier.
J’ai erré pendant quelques mois. Vagabonder.
Un quartier plutôt ouvrier. Working class.
J’avais de plus en plus assouvi ma soif d’exotisme et de voyages. Satisfaire.
Des gens chialent sur le fait… Se plaindre. Complain.
Il s’ensuit de nombreuses levées de boucliers. Une indignation populaire.
Le revers de la médaille. L'aspect négatif de quelque chose, le mauvais côté.
Des quartiers un peu malfamés. Qui a une mauvaise réputation.
Aux édifices délabrés. En mauvais état.
Des cafés branchés. Populaire. Terme familier. Trendy.
S’est avérée très puissante. Turned out to be.
La CAQ a délogé tous les autres partis. Chasser de son endroit.
La situation du français au Québec est assez précaire.





