I'm delighted to introduce a new contributor to the French With Frederic site: Kevin Tremblay! Also known as The King of the Poutine, or The Sultan en Sacrament. I needed someone who wasn’t afraid to write in “full-on” Quebecois mode, and this man is up to the task! This newsletter is even better with the accompanying audiobook:
Je connais Kevin depuis très longtemps. C’est un bon ami à moi, avec qui je sens que je peux être 100% moi-même. Avec lui, pas question de faire semblant. Il faut être vrai, authentique, sinon il nous purge de sa vie comme un vilain furoncle.
Certains disent que je lui ressemble. Honnêtement, je ne vois pas la ressemblance. En tout cas, tout ce qu’on peut dire, c’est qu’on n’écrit pas de la même façon!
Kevin est ce que l’on pourrait appeler un québécois pure laine, c’est à dire, un vrai francophone. D’ailleurs, il ne parle que le français, et depuis son tout jeune âge, il est très fier de sa langue. Il écrit en français québécois par choix, et pour faire connaître le québécois comme une langue à part.
J’ai donc pensé que ça serait intéressant pour vous de lire des textes de Kevin, pour apprendre comment la langue se parle au Québec.
Je passe donc la parole à Kevin. Vas-y mon Kevin, on va les avoir les Anglais!
You’ll find the vocabulary and other extras on a separate page below.
Les recommendations de Kevin Tremblay
Fred m’a demandé de vous partager un peu ce qui me fait tripper, que ce soit de la musique, des livres ou autre.
Ben c’est pas compliqué, m’as vous donner une affaire de chaque!
Musique
Je propose le Québec Redneck Bluegrass Project. Avec un nom comme ça, ça peut pas être mauvais! Chequez-moi ça ces paroles-là!
Les œufs parfaits dans ton couvert
Rendraient jaloux deux poussins
Celle qui t'les sert a les yeux verts
Qui ferait blêmir un daltonien
Livre
Mon choix de roman c’est La déesse des mouches à feu, de Geneviève Petterson. Parce que faute d’avoir grandi dans les années 70, mon adolescence à moé, c’était les années 90, quand Kurt Cobain était une légende vivante. Pis le livre de Petterson, c’est rock and roll en tabarnac.
Série
J’ai ben aimé “Plan-B,” une histoire de malade où on revient dans le passé pour se donner une deuxième chance. Quant à moi, les meilleures saisons c’est la première pis la quatrième.
Balado
Tant qu’à y être, je vous conseille de chequer le balado de mon ami Fred. Bon, je trouve qu’il pourrait parler plus québécois, mais c’est quand même mieux que rien!
Le québécois, c’est ma langue
par Kevin Tremblay
Comme disait Massimo Troisi, “je pense en québécois, je rêve en québécois.” Lui, c’était le gars qui a joué dans Le facteur. Un criss de bon film, en passant. Pour Troisi, sa langue, c’était le napolitain, pas l’italien. Pour moi, c’est un peu la même chose avec le québécois.
Les fois où j’ai essayé de parler le français proprette, tsé le petit accent en cul de poule à la Radio-Canada, criss que j’me sus senti fake. Un osti de poser. Depuis ce temps-là, j’ai décidé que je vivrais seulement en québécois. Même que, j’écris seulement en québécois, parce que sinon, c’est pas moé.
Même mon chien parle juste le québécois. J’ai beau y dire, “assieds-toi, Duplessis!” y comprend rien pantoute. Y comprend juste, “assis-toé, Duplessis!” Ouais, j’oubliais de vous dire , mon chien, y s’appelle Duplessis, Maurice pour les intimes.
C’est peut-être pas la plus éloquente, mais c’est notre langue
Quand Michel Tremblay a écrit sa pièce de théâtre les Belles-soeurs, en 1965, ça a causé tout un émoi. Parce qu’y faisait parler ses personnages dans la langue de la rue! Du vrai québécois de l’époque. C’était une des premières fois que ça se faisait comme ça. Gabrielle Roy avait inséré la langue du peuple dans Bonheur d’occasion, mais c’était dans certains dialogues seulement. Tremblay, lui, y décide d’écrire toute sa pièce en joual!
Le joual, c’était le mot qu’on donnait dans l’temps à la langue québécoise. C’était un mot assez péjoratif. C’t’un journaliste qu’y’a trouvé ce nom-là. Y parait que c’était la déformation de cheval, parce que le monde de la campagne disait ça. Ché pas pour vous, mais moé, j’ai jamais entendu dire ça, un joual!
En te cas, voici un extrait des Belles-soeurs de Tremblay:
To read a translation of the following except from Michel Tremblay, click here. Read it first before moving on to the next part.
La première fois que je l’ai vu, je l’ai trouvé ben laid… C’est vrai qu’y est pas beau tu-suite ! Quand y’a ouvert la porte, y’a enlevé son chapeau, pis y m’a dit : « Seriez-vous intéressée pour m’acheter des brosses, ma bonne dame ? » J’y ai fermé la porte au nez ! J’laisse jamais rentrer d’homme dans la maison ! On sait jamais c’qui peut arriver… Y’a rien que le petit gars de « La Presse » que j’laisse rentrer. Lui, y’est trop jeune, encore, y pense pas à mal. Un mois après, mon gars des brosses est revenu. Y faisait une tempête de neige à tout casser, ça fait que j’l’ai laissé rentrer dans le portique. Un coup qu’y a été rendu dans’maison, j’ai eu peur, mais j’me sus dit qu’y avait pas l’air méchant, mais si y’était pas ben beau… Y est toujours sur son trente-six, pas un cheveu qui dépasse… Un vrai monsieur ! Pis tellement ben élevé ! Y m’a vendu deux-trois brosses, toujours, pis y m’a montré son cataloye. Y’en avait une qui m’intéressait, mais y l’avait pas avec lui, ça fait qu’y m’a dit que je pouvais donner une commande. Pis y’est r’venu chaque mois depuis c’temps-là. des fois, j’achète rien. Y vient juste que-qu’menutes. Y’est tellement fin ! Quand y parle, on oublie qu’y est laid ! Pis y sait tellement de choses intéressantes ! Aie, y voyage à tous les coins d’la province, c’t’homme-là ! J’pense… j’pense que je l’aime… J’sais que ça pas d’allure, j’le vois rien qu’une fois par mois, mais on est si bien ensemble ! Chus tellement heureuse quand y est là ! C’est la première fois que ça m’arrive ! C’est la première fois ! Les hommes se sont jamais occupé de moi, avant. J’ai toujours été une demoiselle… seule. Lui, y m’raconte ses voyages, y m’raconte des histoires… Des fois, sont pas mal sales, mais sont tellement drôles ! Pis y faut dire que j’ai toujours aimé les histoires un peu salées… J’trouve que ça fait du bien de conter des histoires cochonnes, des fois… Ah ! sont pas toutes cochonnes, ses histoires, ah ! non, y’en a des des correctes ! Des histoires osées, ça fait pas longtemps qu’y m’en conte… Des fois, sont tellement cochonnes, que j’rougis. La dernière fois qu’y est venu, y’m’a pris la main parce que j’avais rougi. J’ai manqué venir folle ! Ca m’a toute revirée à l’envers de sentir sa grosse main su’a mienne ! J’ai besoin de lui, astheur ! J’voudrais pas qu’y s’en aille pour toujours… Des fois, j’rêve… qu’on est mariés. J’ai besoin qu’y vienne me voir ! C’est le premier homme qui s’occupe de moé ! J’veux pas le pardre !
Je sais pas si vous avez compris grand-chose, vous autres qui apprenez le français. Mais ça, c’était la langue du peuple. Y’a des petites choses qu’y’ont changé depuis, mais ça reste qu’on se reconnait dans cette langue-là.
Écoute, toé, Tremblay y fait dire à ses personnages chus au lieu de je suis. Y’écrivait comme que le monde parlait. Mais ce qu’y’est beau là-dedans, c’est que ça te touche.
Criss, c’est beau en estie, ce monologue-là! Je sais pas comment qu’y fait ça. C’est de l’art, pas rien qu’à peu près.
Tremblay a dit que c’était peut-être pas la plus éloquente, mais c’était notre langue. En fait, je sais pus c’qu’y’a dit. C’était sûrement plus beau que ça.
Y’a plein de façons de parler français
Faut pas croire que j’aime pas la langue française. Pantoute. J’écris en québécois parce que je me sens moi-même. Mais quand j’entends quelqu’un du Sud de la France parler, je trouve ça beau en tabouère.
Y’a l’accent haïtien, pis l’accent africain, pis l’accent maghrébin, pis l’accent des îles. Sont toutes beaux.
Mais moé, si j’me mets à parler avec un accent de Paris, j’ai l’air d’un criss de cave.
Faut savoir apprécier le monde dans son ensemble, mais être fier d’où on vient. En te cas, c’est ça que j’pense.
Nos mots anglais, y nous parlent de notre passé
Y’en a qui nous disent qu’on parle mal au Québec. Qu’on a trop de mots anglais. Écoute, vous irez faire un tour en France. Y se gênent pas trop là-bas pour crisser des mots anglais un peu partout! On dirait qu’y’en sont fiers en plus.
Nous autres, nos mots anglais, c’est des traces de notre passé.
Dans l’temps, le monde y parlaient pas anglais icitte. Mais le peuple, y travaillait pour les Anglais. Les Anglais c’était les riches, pis nous autres on était les pauvres.
Montréal, c’était toute en anglais. Pas un estifi de mot français nulle part, même si toute la population était francophone.
Faque le peuple, y’a appris ces mots-là. Des fois, c’est les seuls mots qu’y’avait. Au travail, à la shop, c’est les mots qu’y apprenaient. Faque y revenaient à la maison avec ça, avec ces mots-là.
Pis leurs femmes, y’ont inventé la langue québécoise avec ça. En prenant les mots que leurs hommes ramenaient, pis en les utilisant à leurs façons à eux.
Les bécosses, les toilettes, ça vient de back house.
Déwrencher ou ben dérencher, ça veut dire abimer, mais ça vient du mot wrench.
Je file pas ben, ça vient de I don’t feel so good.
Être toff, ça vient de tough.
Et ainsi de suite. Nos mots anglais, y nous viennent de notre passé. Faque maintenant, y nous appartiennent.
Nos sacres, c’est notre façon de nous affranchir
Vous remarquerez que je me gêne pas pour utiliser des sacres.
Ostie, tarbarnac, câlisse, sacrament, criss, ciboire
Ça, c’est du vrai québécois! C’est toutes des mots d’église, des mots de la religion. Parce que dans le temps, y’a pas si longtemps, le Québec, c’était une société dominée par l’estie de religion.
Je dis pas que ça a été juste du mauvais. Les prêtres, c’est quand même eux autres qu’y’ont gardé la langue française au Québec. Sans eux, ça ferait ben longtemps qu’on aurait disparu.
Mais un moment donné, y ont commencé à prendre trop de place. À dire à tout le monde quoi faire. À donner la fessée à des pauvres petits enfants à l’école. À se mêler des affaires des autres. À être dans leur chambre à coucher.
Faque le monde, y s’est tanné.
Y’a sacré la religion dehors.
Mais avant ça, on a commencé à sacrer. Faque nos sacres, c’était notre façon de nous affranchir. Aujourd’hui, c’est une autre trace de notre passé.
Y’a rien de plus québécois que nos sacres. Ostie que oui!
La beauté du québécois, c’est qu’y’a pas de bullshit
Bon ben, j’ai assez radoté pour aujourd’hui. J’veux juste terminer en disant que je m’attends pas à ce que vous parliez comme moé.
J’voulais juste vous dire que la langue française, c’est pas juste du Baudelaire pis du Simone de Beauvoir. C’est aussi la langue d’une gang de vieux édentés comme moé. J’exagère, j’ai toutes mes dents. Mais c’est souvent ça qu’on dit, en parlant du peuple: des édentés. Y savent pas parler. Y’ont pas de manières. Y connaissent e’rien .
Ben le peuple, c’est lui qui l’a bâti, le Québec. Pis c’est lui qu’y l’a inventée, notre langue. Faque respectez le donc un peu, le peuple. Respectez donc le fait qu’on parle québécois au Québec. Merci de m’écouter.
« … je vous conseille de chequer le balado de mon ami Fred. Bon, je trouve qu’il pourrait parler plus québécois, mais c’est quand même mieux que rien! » 😊
J'aime bien l'article de Kevin Tremblay - il est un vrai personnage ! L'audio en particulier est intéressant à écouter - évidemment il y a pleins des mots et phrases que je sais pas, mais aussi la prononciation qui m'intéresse.
J'espère que Kevin va revenir pour un autre article, le québécois c'est très fascinant !